Homélie pour le 1er dimanche de carême ; frère François-Régis DELCOURT, OP

 

Ces quarante jours au désert où Jésus est tenté par le diable, nous dévoilent sa totale et parfaite maîtrise de lui-même face aux assauts de notre pire ennemi. Satan tente par tous les moyens d’entraîner Jésus à sa chute et à le séparer de Dieu et de nous, ses frères, et de la vie éternelle. Sa détermination lui a permis de tenir face aux multiples tentations et de rester uni à Dieu. Mais en quoi le Christ sort-il comme le grand vainqueur incontesté de cette épreuve ? Il l’est pour la simple et bonne raison qu’il exerce parfaitement sa liberté. Il a su discerner et décider du bien à opérer qui rejoint en tout point la volonté de Dieu. Quand Satan lui propose de transformer une pierre en pain, Jésus discerne et décide dans tous les biens, ceux qui sont véritablement essentiels. Quant Satan lui offre de posséder tous les biens du monde, Jésus choisit de les mettre à leur juste place en tant que bien utile. Quand Satan lui demande de se jeter dans un gouffre, Jésus se détermine à préférer Dieu et à y tendre avec le bien honnête.

 

À la première tentation, Jésus réfute les avances de son adversaire vis à vis des biens futiles. Au désert, Jésus est avant tout là pour se nourrir des biens essentiels qui conduisent à la vie éternelle. Cela ne veut pas dire que Jésus dénigre la nourriture terrestre. Et d’ailleurs, combien de fois, nous le voyons, attablé avec des pécheurs, prenant plaisir à goûter de bons mets et de bons vins, tout en passant du bon temps. Il savoure, à maintes reprises, les biens plaisants et attise notre désir du bon vivre. Mais, au désert, sa priorité est d’abord de susciter en nous le goût et la saveur des mystères de Dieu. D’ailleurs, n’est-ce pas ce que nous réalisons à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie en nous abreuvant de la miséricorde de Dieu, de la parole de Dieu mais aussi de ce pain transformé en corps livré et du vin en sang versé. Par ce biais là, Jésus nous suggère de nous nourrir de ces biens essentiels qui viennent de Dieu et nous conduisent à Dieu.

 

À la deuxième tentation, Jésus refuse les biens du monde qui accaparent nos envies de possession tel l’argent. Il n’est pas dupe et il sait très bien que ces biens utiles sont nécessaires à notre existence. Jésus n’a jamais méprisé l’argent et les biens dont nous nous servons pour assurer notre subsistance. Il se rend compte de leur importance mais seulement comme instrument pour faciliter nos vies. Il veut juste les remettre à leur place, mettre Dieu à la première place et tout mettre en place en fonction de la vie éternelle. Dans la parabole des talents, n’est-ce pas lui qui félicite ceux qui ont fructifié la mise de départ et fustige celui qui l’a enterré. L’argent et les biens matériels ne sont pas considérés par Jésus comme un moyen d’oppression ou d’injustice ou de possession subjective à outrance. Jésus les voit comme moyen de s’épanouir et d’édifier la société civile, appelée à être la présence ici-bas du royaume de Dieu. Ainsi, il promeut dès à présent une vie en Dieu. 

 

À la troisième tentation, Jésus rejette les biens trompeurs qui, sous couvert de bonne apparence, sont des mascarades pour attirer l’autre à soi et le posséder. Jésus préfère le bien honnête, autrement dit les vertus, pour diriger sa vie et celles des autres qui lui sont confiés. La politique de Dieu, en termes de gouvernance, est limpide. Il ne se permet pas d’imposer quoi que ce soit à quelqu’un, il ne fait que proposer. Jésus méprise le pouvoir qui annihile la liberté de l’autre et l’enferme dans le cercle restreint du commanditaire. Jésus a conscience de la délicate mission confiée par Dieu, de gouverner les hommes en vue de nous conduire à Dieu. Son total engagement dans le projet de Dieu vise à déployer tout son potentiel en revêtant la tenue de service responsable.

 

Ce temps au désert où Jésus sort vainqueur des tentations infligées par le diable nous rassure sur un point fondamental. Nous pouvons avoir une totale confiance envers Jésus et en sa miséricorde. Jamais, il ne nous décevra, nous abandonnera, nous rejettera, nous trahira, nous fera subir des injustices, nous humiliera. Car si nous savons qu’il est parfait, lui sait que nous ne sommes pas parfaits. C’est bien pour cela qu’il s’est incarné et qu’après son baptême, il a été poussé par l’Esprit-Saint dans le désert, a vaincu le diable afin de nous donner les moyens d’apprendre à exercer notre liberté et donc être maître de soi.

Frère François-Régis DELCOURT

Deut. 26, 4-10 ; Rm. 10, 8-15 ; Lc. 4, 1-13