Homélie pour le Jeudi Saint – Messe du soir

Dax, Monastère Saint-Dominique, le 13 avril 2017.

La mission qui vient de l’autel

Chères sœurs, chers frères,

Je pense que vous vous êtes déjà rendu compte que les trois évangiles synoptiques, c’est-à-dire de saint Marc, saint Mathieu et saint Luc, nous décrivent la dernière cène, dans laquelle le Seigneur a institué l’Eucharistie. Aussi l’apôtre saint Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens a fait de même, comme nous venons d’entendre. Mais c’est précisément l’évangile de saint Jean, qui ne décrit pas cette Cène, que nous avons, toutes les années, dans cette célébration, la première du triduum pascal , en laquelle nous célébrons l’institution de l’Eucharistie et du ministère sacerdotal. Je vous propose donc la réflexion la dessous.

Au moment où le quatrième évangile fut écrit, l’Eucharistie était déjà présente et habituellement célébrée dans les communautés. Même dans les périodes de grande persécution, les chrétiens se sont toujours retrouvés autour de leurs pasteurs, pour célébrer ce sacrement. Alors, l’évangile de Jean veut, en parlant du service, nous rappeler les conséquences de célébrer l’Eucharistie ou, autrement dit, d’être disciples du Christ.

En février 2007, le Pape Benoît XVI, a publié un texte très riche au sujet de l’Eucharistie. Je parle de l’exortation apostolique Sacramentum Caritatis. En lisant ce document, on s’aperçoit que le Pape n’accentue guère la réalité de la présence réelle du Christ dans ce sacrement. Il n’a pas trouvé cela nécessaire. On l’apprend depuis la première catéchèse et on l’entend toujours à la messe. Mais alors le pape attirait l’attention surtout sur la manière avec laquelle les catholiques recevaient ce sacrement : quelle est la conséquence de recevoir l’Eucharistie ? Au début de cette exhortation, Benoît XVI écrit que l’Eucharistie nous rappelle l’amour infini de Dieu pour chaque homme, l’amour qui donne sa vie pour ses amis (cf. Jn 15, 13 ; cf. Sac. Carit. , 1). Être touchés par cet amour nous amène à une réponse performative, c’est-à-dire, suscite en nous l’amour, qui nous amène au service. Notre sœur sainte Catherine de Sienne disait : nous ne sommes pas capables de répondre à l’amour infini de Dieu envers nous. Pourtant, il nous donne la grâce de L’aimer dans nos frères.

Dans notre monde de grand activisme (attention à bien prononcer : grant’activisme) où le plus honoré est celui qui fait plus, qui produit plus , y compris dans l’Église. Nous pouvons nous tromper en concluant que, selon saint Jean, l’Eucharistie est secondaire par rapport au service. Le théologien uruguayen Segundo Galilea, décédé en 2010, rappelait : seul celui qui a rencontré le Christ dans le silence de la prière et sous les voiles du sacrement peut le trouver et servir dans son prochain. La vie intérieure et la vie pieuse et fructueuse de l’Eucharistie ne sont pas optionnelles dans la vie du chrétien. Elles sont conditions pour un vrai service au prochain.

Pierre, dans un premier instant, ne veut pas avoir les pieds lavés par le Maître. Il refuse d’être servi. À partir du refus de Pierre, nous pouvons nous rapporter à tous ceux qui , par orgueil , ferment leur cœur à Dieu. Ceux qui sont très heureux avec soi-même n’ont pas besoin de l’Évangile. Et l’orgueil peut se cacher sous une fausse humilité. Un cœur orgueilleux est toujours un endroit imperméable à l’action du Saint-Esprit. L’orgueil nous empêche de recevoir. Et celui qui n’est pas capable de recevoir n’est plus capable de donner. Qui ne reçoit pas du Seigneur, ne peut donner que de ses faiblesses. Mais celui qui offre ce qu’il a reçu du Christ partage non pas quelque chose de soi, mais ce qu’il a reçu de Dieu-même. Et celui qui partage ne le fait pas de n’importe quelle manière, mais à partir de la vocation qu’il a reçue. Toute vocation est un don de Dieu, et toute vocation est missionnaire. Avec saint François Xavier, sainte Thérèse de Lisieux est aussi patronne des missions. L’Église grandit non seulement dans sa géographie, mais aussi en profondeur.

Donna Singlers, théologienne américaine, a dédié beaucoup de temps à étudier l’œuvre de saint Irenée. Et elle a proposé, à partir de ses études sur ce saint évêque, de répondre ce qu’est le prêtre : il est d’abord l’homme adulte dans la foi. Alors, il peut servir et, dans la grâce de l’Esprit, orienter ses frères. Aujourd’hui, en commémorant l’institution de l’Eucharistie, nous célébrons aussi le ministère sacerdotal, intiment lié à l’Eucharistie. Nous sommes invités à prier pour les évêques et leurs frères dans le sacerdoce et coopérateurs, les prêtres. Que dans la force de l’Esprit de Jésus, ils aient la soif de Dieu, qui les amène à Le chercher et partager de son intimité avec tout le peuple saint.

Fr. André Tavares op