2018 Senelle Jeudi Saint VN850650

Homélie du frère Bernard Senelle, OP,

Homélie Jeudi Saint

Ex. 12, 1-8. 11-14 ; 1 Co. 11, 23-26 ; Jn. 13, 1-15

C’est l’heure du  grand « pas au-delà », l’heure de la transformation et cette métamorphose à travers l’amour de Jésus. La haine va faire place à l’amour ! Où sont amour et charité, Dieu est présent et opère cette métamorphose. C’est par l’amour de tous, y compris du traître que Jésus sauve l’humanité et la transfigure. Nous pensons particulièrement cette année  au colonel Arnaud Beltrame, à sa femme Marielle et aux victimes de l’attentat de Trèbes. Au soir de la Pâque, au début du triduum, nous célébrons l’amour qui se donne : c’est le cœur de l’Eglise qui est ici révélé et c’est ce que nous célébrons à chaque Eucharistie : le geste de grandeur et de vie, le partage du pain et du vin de la coupe.

Le geste de vie dont personne n’est exclu : chaque être humain est associé au geste de salut du Christ du soir de la Cène, toute la création est renouvelée. Dieu existe pour tous, Il est là disponible pour tous, même pour Judas qui a brisé l’amitié. Le traître aura comme les autres apôtres les pieds lavés, purifiés. D’ailleurs, après sa trahison, pris de remords, il dira en rendant les trente pièces d’argent : J’ai péché. Le drame, c’est qu’il ne réussit plus à croire au pardon. L’heure du salut, c’est l’heure du pardon, du lavement de nos péchés. Assurément, aujourd’hui, Jésus lève le plus grand obstacle de la voie qui mène à Dieu : ne pas savoir pardonner, ne pas pouvoir recevoir un pardon donné. Judas s’est enfermé dans la colère, la peine, le désespoir, la haine et il ne s’en est pas remis. Il s’est suicidé.

Le geste d’humilité que Jésus pose au soir de la Cène rend visible la totalité du service de Jésus dans sa vie et dans sa mort. D’un côté, le diable, Judas, l’argent, la trahison et la mort, de l’autre, le courage, le service, Jésus et l’amour gratuit. Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n’entendra pas sa voix sur la place publique. C’est sa glorification  et nous commençons dès ce soir à célébrer la lumière qui ne peut être arrêtée par aucune obscurité : nous ne sommes jamais abandonnés dans les difficultés de l’existence. Ce soit Jésus réoriente notre vie et met sur nos lèvres la question qu’il a un jour posée à l’aveugle Bartimée : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Le salut de Dieu passe par l’attention  quand Jésus prend nos pieds entre ses mains.

De même, il prend la coupe et le pain. Le pain est rompu pour tous et ce geste semble célébrer la fracture du groupe des disciples rassemblés pour la dernière fois avant la Passion. Une dernière fois au cours de sa vie terrestre, par ce geste, Jésus annonce Dieu mais il annonce aussi l’homme appelé à faire comme lui. La relation entre l’homme et Dieu se vit dans la communion à ces gestes de service, humbles, pauvres mais qui coûtent parfois tant.

La coupe nous engage à partager la même destinée. C’est le sang du Christ, le sang de la violence et des victimes de toute l’humanité. Aussi dur que soit le chemin, nous croyons que c’est ensemble et en communauté que nous pouvons parvenir à la vie du Ressuscité et redécouvrir la beauté de nos vies souvent blessées. Quand la communion est brisée, quand la parole s’avère difficile, voire impossible, quand celles et ceux qui sont rassemblés au nom du Seigneur en arrivent à demeurer parallèles les uns aux autres, il ne reste que le service pour se rapprocher. Jésus se met à genoux devant l’autre et lui lave les pieds.

Jésus pose un acte de courage et livre le secret de sa vie : poser un regard bienveillant sur chaque personne, adopter une attitude qui respecte et valorise chaque être humain  créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Que vous fassiez comme j’ai fait pour vous.  Il s’adresse à tous ses disciples, y compris à celui dont il a dit : Il vaudrait mieux qu’il ne soit pas né. Mais il est là, il représente toutes nos trahisons et révèle l’incroyable désir de Jésus de sauver tous les hommes. Entrons dans son désir, vivons et célébrons sa Pâque en communion avec tous ceux que nous côtoyons chaque jour, avec qui nous vivons et travaillons, avec ceux et celles que nous aimons mais aussi avec celles et ceux que nous avons cde la difficulté à accepter. Jésus a aussi donné sa vie pour eux.