Dimanche 11 mars 2018

4ème dimanche de carême – Laetare !

Père Gautier MORNAS op

2 Ch. 36, 14-16.19-23 ; Ep. 2, 4-10 ; Jn. 3, 14-21

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Il n’est pas toujours facile de consentir à la vie…

Ceux d’entre nous qui ont dans leur famille une personne gravement handicapée ou un ami diminué dans ses facultés par une maladie que l’on ne sait pas guérir, savent que consentir à la vie, parfois, c’est énorme, qu’aborder chaque nuit dans cet état, que repartir chaque matin dans cet état, c’est énorme !

Et c’est peut-être nous…dans un moment de spleen, de déprime, de dépression de conflit relationnel, de maltraitance…ou à la suite d’un drame…ou bien tout simplement en prenant conscience un jour…que je n’ai pas choisi de naître, d’être comme je suis, de porter un nom qu’on m’a imposé…et me voilà au bord de la révolte, peut-être aux prises avec l’envie d’en finir…à moins que je me mette à choisir…à choisir ce que je n’ai pas choisi !

J’aime ces quelques mots de Beethoven, le grand musicien…qu’il a griffonnés dans la marge de son quatrième quatuor : « Muss es sein ? Es muss sein ! » « Cela doit-il être ? Que cela soit ! »- sans doute fait-il allusion à sa surdité – Il aurait pu se résigner. Mais dans ces cas-là, on n’a plus la force. « Cela doit-il être ? Que cela soit ! ». Résignation ? Non ! Le résigné baisse les bras, tandis que celui qui consent les ouvre à l’Amour, comme Jésus qui disait « Ma vie, on ne me la prend pas, c’est moi qui la donne ». Travail d’adoption…à commencer par soi-même. Chemin de réconciliation et de transformation.

Comprenons bien çà : ne plus être un ennemi pour soi-même, mais un ami ! Et même me recevoir comme un don ! Eh oui,…si j’étais un merveilleux cadeau pour moi-même ! Donc, …un travail d’ouverture, un chemin de lumière dans ma nuit…à la découverte d’un Ailleurs…Car n’y  a –t-il pas Quelqu’un qui  se cache derrière tout cela que je n’ai pas choisi ? Est-ce qu’il n’y a pas une Présence qui se cache dans le présent qui est à vivre…et dans le présent que je suis ? Un Autre qui me donne à moi-même, un Autre que je ne pourrai jamais rencontre si je m’étais choisi moi-même…un Autre qui, s’il m’a choisi comme je suis, m’aime aussi comme je suis ? Et il se pourrait bien qu’il désire me rencontrer ! N’est-ce pas ce que confirme la Parole de Dieu proclamée aujourd’hui ? Avez-vous entendu çà : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils bien-aimé… Et ceci : A cause du grand Amour dont il nous a aimés, il nous  a fait revivre avec le Christ… Voilà ce qui nous advient aussi : cet Amour, ce « grand Amour » ! Comme le disait un moine-martyr de Tibhirine : Nous voilà chargés « de ce si lourd secret : nous sommes aimés comme le Bien-Aimé…Sans mesure ! » Alors, frères et sœurs, ne nous sommes pas seulement appelés à consentir activement à ce que nous sommes et à ce qui nous advient…mais aussi à consentir à cet Amour « sans mesure ».

Saint Bernard disait : « Consentir à cet Amour, c’est être sauvés ». Et je vois là une invitation à contempler la Croix, à contempler Jésus « élevé de terre », comme le dit l’évangile d’aujourd’hui, « élevé de terre…afin que – comme le dit encore l’évangile – par lui le monde soit sauvé ». Contempler pour découvrir cet Amour sans mesure et pour y CONSENTIR, c’est-à-dire pour LE RECEVOIR…puisque non seulement il se manifeste, mais il se donne à nous « sans mesure »…Peut-être  que, comme moi, vous n’avez pas trop envie de contempler Jésus en croix… La Croix, c’est tout de même pas beau, çà !… Fallait-il vraiment que notre ami Jésus meurt crucifié pour nous ressusciter ? Fallait-il toute cette horreur pour notre bonheur ? Pourtant je vibre à cette exclamation d’un vieux prêtre qui montrait son crucifix qu’il avait toujours dans sa poche : « Il m’a tout appris ! » Et c’est vrai que j’aimais ce bâton pastoral avec son Christ sur lequel Jean-Paul II aimait s’appuyer. Oui, je vois dans cette Passion une telle com-passion !… Je vois que Jésus va jusqu’au bout de l’amour en épousant toute notre humanité, blessée, défigurée. En vérité, il épouse chacune de nos vies et toute notre vie jusqu’à notre mort, pour nous assurer qu’Il est toujours « Dieu avec nous »…jusque dans notre mort. Et je vois qu’il va jusqu’au bout de l’amour en aimant ceux qui le mettent à mort : je l’entends qui pardonne tout…et je comprends qu’il nous pardonne tout : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Vraiment, il fallait qu’il meurt pour nous assurer qu’à leur de notre mort, il est là avec nous. Vraiment, il fallait qu’il meurt…pour ressusciter…et nous assurer ainsi qu’il est vraiment « la Résurrection et la vie », et, qu’ayant épousé notre mort, il nous ressuscite avec lui ! Vraiment, il fallait qu’il souffre et qu’il meurt pour nous assurer de sa Miséricorde infinie et de notre résurrection. Et vraiment, il fallait qu’il souffre et qu’il meurt pour que nous sachions reconnaître qui est vraiment notre Dieu : Dieu si vulnérable sur le bois de la croix, Dieu amoureux de notre liberté, Dieu notre Serviteur,  agenouillé à nos pieds, Dieu qui se laisse défigurer par amour : Dieu notre Ami, Dieu de communion, Dieu qui aime gratuitement, sans condition, Dieu qui ne peut que pardonner, Dieu qui meurt d’amour pour nous…pour nous ressusciter ! Dieu qui meurt en croix…

Et nous, quand nous traçons sur nous le signe de la Croix et quand nous communions au Corps livré, au Sang versé, est-ce que consentons à être tellement aimés…et à aimer tellement ? Est-ce que nous consentons à notre mission de disciples, à devenir serviteurs avec le Serviteur de tous, amis avec l’Ami de tous, prêts à toujours pardonner en témoins de la Miséricorde infinie, toujours prêts à donner notre vie ?