Dimanche 12 février 2017

6 ème du temps ordinaire – année A

Frère Éric de CLERMONT-TONNERRE

Si. 15, 15-20 ; 1 Co. 2, 6-10 ; Mt. 5, 17-37

Est-ce qu’Il n’exagère pas un peu ?

Il est difficile de bien comprendre comment Jésus se situe par rapport à la Loi. Dans l’évangile que nous venons d’entendre, il apparait comme un dangereux légaliste. Non seulement, il se montre attaché d’une manière radicale à la lettre de la loi : pas une seule lettre, pas un seul petit trait de la Loi ne disparaîtra, mais encore il élargit la rigueur de la Loi et applique celle-ci à des actes qui, la plupart du temps, paraissent comme mineurs aux hommes et aux femmes que nous sommes.

Celui qui se met en colère contre son frère ou qui l’insulte doit être jugé comme un meurtrier

Celui qui regarde une femme et qui la désire doit être jugé comme celui qui a commis un adultère.

Jésus, un idéaliste, un doux rêveur, cela peut nous faire sourire

Jésus radicalisé, fanatique, cela peut nous faire peur.

Oui…lorsqu’on entend : Si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi. On ne se sent pas très loin du châtiment imposé par la loi musulmane au voleur pris sur la vif. On lui coupe la main.

Pourtant ailleurs dans l’Evangile, Jésus apparait pour ses contemporains, en particulier pour les pharisiens et les scribes, non pas comme un légaliste ou un fanatique mais comme un transgresseur, un hors-la-loi, il se montre tout à fait libre par rapport aux rites de purification, il renverse les conceptions du pur et de l’impur, il profane le Shabbat, il s’en prend aux éléments les plus centraux du culte, il fréquente les pécheurs. Plus encore qu’un hors-la-loi, il se situe au-dessus de la loi.

Comment expliquer ce paradoxe, cette sorte d’intransigeance, mêlée à une grande liberté.

C’est que l’Evangile n’est pas d’abord un enseignement nouveau, une loi nouvelle offerte à l’homme…C’est un évènement, plutôt un avènement

*il s’agit de l’avènement de Dieu dans l’histoire des hommes,

*il s’agit de l’avènement de Dieu dans une existence d’homme,

*il s’agit donc de l’avènement de l’homme , de l’homme nouveau.

Cet homme nouveau, c’est le Christ, premier-né, premier libéré, premier relevé, cet « homme nouveau » que tout homme, toute femme quels qu’ils soient doivent devenir

Alors, annonçant le Royaume de Dieu, Jésus, en quelque sorte annonce le Règne de l’homme.

Jésus est venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. Il est venu avec le désir de libérer l’homme pour que tout homme advienne à sa dignité d’homme .

A ceux qui tiennent à respecter scrupuleusement le shabbat, Jésus, dans la ligne des prophètes de l’Ancien Testament rappelle que le shabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le shabbat.

La loi ne joue plus son rôle lorsqu’elle asservit, paralyse, empêche la vie, restreint la liberté, obscurcit la responsabilité.

Jésus est venu non pas pour abolir la loi, mais pour l’accomplir, dans son existence d’homme, pour l’accomplir au sens aussi de la mener à son accomplissement, à ce pour quoi elle est faite :

*pour la vie

*pour la liberté

*pour la responsabilité.

C’est cela que nous devons mettre en premier

* La vie , c’est le don que Dieu fait à chacun, c’est le bien qu’il fait à tous, à la communauté des hommes, à sa communauté l’Eglise, la vie de chacun et des plus petits.

-la question qui nous est alors posée est la suivante : suis-je au service de la vie de chacun, de chacune ?

C’est peut-être parce que la loi est au service de la vie qu’elle comporte ces deux premiers commandements : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton être et tu aimeras ton prochain comme toi-même.

* La liberté , c’est un mot ou plutôt une réalité que nous n’aimons pas bien, car la liberté est invoquée pour justifier beaucoup de comportements égocentriques ; nous aimons notre propre liberté mais n’aimons pas celle des autres.

La liberté est une réalité à construire, elle ne se construit que dans des relations vraies, dans la communion, dans l’alliance. La loi n’a de sens qu’au service de l’alliance vécue dans la charité, la vérité et la liberté.

-la question est pour nous : suis-je quelque peu libéré de la culpabilité et du mal inverse : l’autojustification ; suis-je respectueux de la liberté des autres ; suis-je au service de la relation, de l’alliance, de la communion, de la communauté ?

*Reste la responsabilité. La vie humaine, la vie chrétienne sont exigeantes ; nous sommes appelés à vivre, invité à nous mettre debout, à prendre nos responsabilités au sérieux.

Voilà pourquoi le Seigneur nous invite à aller plus au fond, au-delà de la lettre de la loi, de la règle, à descendre jusqu’aux sources de notre volonté, jusqu’au cœur de nos intentions.

S’il nous délivre de la lettre de la loi, il nous responsabilise de manière plus radicale dans le langage courant, lié à l’actualité, le radicalisme est synonyme d’intransigeance,

dans son sens premier, radicalisme vient du latin radix qui évoque la racine, la source, le plus profond,

le sens profond non pas tant l’intransigeance de la loi, de la lettre

mais l’exigence du cœur

*la vie

*la liberté

*la responsabilité

ces trois mots

constituent les harmoniques de la sagesse que proclamait saint Paul dans la seconde lecture que nous avons entendue devant ceux qui sont adultes dans la foi, précisait –il mais ce n’est pas la sagesse de ce monde et qui déjà se détruisent.

C’est cette sagesse que nous disons oui, sagesse de vie, de liberté, de responsabilité.

Et c’est alors que nous pouvons entendre l’avertissement du Seigneur

*quand vous dites oui, que ce soit un oui

*quand vous dites non, que ce soit un non.

Tout ce qui est en plus vient du Mauvais.

Et nous au baptême, nous avons dit oui à Dieu, au bien qu’il veut pour l’homme, nous avons dit non au mal et à tout ce qui asservit l’homme

Que votre oui soit oui

Que votre non soit non !