8 août 2017

Saint Dominique, solennité

Frère Christian-Marie DONET

Is. 52, 7-10 ; 2 Tm. 4, 1-8 ; Mt. 5, 13-19

Vous êtes le sel de la terre !

Avez-vous remarqué qu’en général, on commente cette phrase de l’évangile comme su’il s’agissait d’une recette de cuisine ? Etre chrétien serait comme le sel dans un bon plat, cela donnerait du goût à la vie. Et s’il y en a trop ou pas assez, la cuisine est ratée. Faudrait-il comprendre qu’il faut dans la vie ou dans la monde la bonne dose de chrétien, ni trop, ni trop peu ? En effet, par une lecture trop culinaire, on pourrait comprendre que quelques chrétiens dans le monde suffiraient à assurer le salut de tous, comme la bonne dose de sel dans un plat en assure le succès.

Depuis son plus jeune âge, Dominique se destine à être clerc. Pour consacrer sa vie à ce Dieu qu’il a appris à connaître et à aimer, dans sa famille d’abord puis au cours de sa formation, il sait aussi que l’amour de Dieu se complète dans l’amour du prochain. Sa compassion qui s’étendait à tous sera louée au cours de son procès de canonisation.

Dominique sait bien que tout le monde n’est pas chrétien : aux portes de la Castille, au Sud, il y a les musulmans ; au cours de son voyage en Dacie, il apprend l’existence des Cumans, des peuplades qui ne connaissaient pas l’évangile. Mais il sera particulièrement bouleversé par sa rencontre avec les Albigeois. Ces gens qui bafouaient la religion, piétinaient la foi. Trompés par l’erreur des parfaits cathares qui critiquaient l’Eglise, dénonçant les prélats et leur apparat, fustigeant le relâchement et la débauche des clercs, non sans doute sans raison. Les Bons Hommes et les Bonnes Dames, prêchaient bel et bien l’exemple de l’amour fraternel et allaient chan tant l’Evangile, ils se déclaraient les « véritables chrétiens ». Avec des mots simples, une vision claire, un discours fort, mais un principe faux, ils détruisaient plus de mille ans d’histoire chrétienne.

Aujourd’hui encore, beaucoup se déclarent de Jésus Christ mais rejettent son corps qui est l’Eglise ou qui se déclarent être la « véritable Eglise » parce qu’ils appliquent littéralement la parole ou qu’ils refusent tout changement. Alors oui, la foi chrétienne dénaturée peut gâter le goût de l’existence ! Je voudrais proposer une autre approche

La tradition dominicaine nous dit que Dominique portait toujours sur lui l’évangile de Matthieu. Donc il ne pouvait pas manquer de connaître parfaitement cet évangile et de lire cette exhortation de Jésus à ses disciples à la lumière de la finale de Matthieu : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations, faites des disciples ; baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde.

Ainsi donc, si toutes les nations ont vocation à devenir disciples de Jésus, tous sont appelés à se reconnaître sel de la terre et lumière du monde. Cette vocation est donc réservée à tous.

Si Dominique est tellement bouleversée lorsqu’il voit ampleur des ravages de l’enseignement des parfaits cathares, c’est parce qu’il comprend bien qu’en quittant le sein de l’Eglise, ceux qui les écoutent sont devenus comme du sel dénaturé. D’où vient le sel, sinon de la mer ? Et la mer, dans la tradition biblique représente la mort. Ceux qui se fourvoient dans l’erreur sont comme le sel dissous dans la mer, c’est-à-dire dans la mort.

Et Dominique va se transformer en paludier, pour les retirer de là. Aussi, à la question de Jésus : Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Dominique répond par la prédication à l’exemple des Apôtres, itinérants et mendiants

Et pour la lumière donc ! N’était-il pas prophétique ce songe de la mère de Dominique encore enceinte qui vit un chien avec une torche dans la gueule pour porter la lumière dans les recoins obscurs du monde. Car il est bien certain que la vocation à être la lumière du monde est toute aussi universelle que d’être le sel de la terre.

Lorsque Dominique rencontrait quelques véritables chrétiens, perdu au milieu des bastions cathares, il les trouvait bien tristes et désespérés. Et la joie revenait lorsque le prédicateur ramenait des âmes perdues à la vraie foi. Certainement les chrétiens peuvent briller comme les étoiles dans la nuit et la nuit devient moins sombre. Mais l’expérience de nos frères qui vivent qui vivent près du cercle polaire, où la nuit dure plusieurs mois, nous montre que la vraie lumière, celle du soleil est tout de même bien agréable.

Alors souhaitons vraiment que le feu à d’autres prenne, pour que le monde resplendisse. Que soit repoussée la nuit du mensonge par la prédication de la Vérité.

En ce jour, nous te le demandons, Seigneur, souviens-toi du cri de Dominique : Aie pitié de ton peuple. Que vont devenir les pécheurs ?

Renouvelle-nous pleinement dans la grâce de la prédication, à la suite de Dominique, toi qui est le Vivant pour les siècles des siècles.