Notre Dame de Buglose (nativité de la Vierge Marie) , homélie du frère Jean GIANG, OP

NOTRE DAME DE BUGLOSE

Patronne du diocèse de Dax – Mt 1,1-16.18-23

Vierge et apprend-nous à reconnaître chez elle, l’exemple parfait de celui qui fait ta volonté. Nous te le demandons par Jésus le Christ notre Seigneur. Chers frères et sœurs, avec le diocèse de Dax, nous fêtons aujourd’hui la solennité de Notre Dame de Buglose, fête patronale du diocèse. Prions pour tous les chrétiens dans ce diocèse, pour la ville, pour tous les pèlerins qui vont à Buglose demander, chacun selon sa situation, l’intercession, la protection de la Vierge Marie. La providence divine nous donne une Mère pour nous consoler et nous accompagner sur le chemin vers Dieu.

Avec elle, préparons-nous maintenant à la célébration de l’Eucharistie dans laquelle son Fils Jésus-Christ s’offre lui-même au Père pour faire descendre sur nous toute la miséricorde et le pardon de Dieu.

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Chers frères et sœurs, nous venons d’entendre le texte évangélique que l’on a l’habitude d’appeler la généalogie de Jésus. Ce texte est aussi utilisé dans la fête de la Nativité de la Vierge Marie. La logique de cette liturgie est un peu étrange : l’origine du fils explique l’origine de sa mère et non pas à l’inverse !

Comment donc pouvons-nous comprendre le rôle de Marie dans l’histoire du salut ?

Revenons aux évangiles. Dans l’évangile selon saint Luc, le rôle de Marie est mis en relief au moment de l’Annonciation. C’est la source propre du troisième évangile et grâce à laquelle nous récitons encore aujourd’hui dans le « Je vous salue Marie » les salutations de l’ange. En revanche, en parlant de l’origine du Sauveur, Luc ne présente que les noms des patriarches, dans le but de placer le Sauveur dans la lignée choisie par Dieu. Nous lisons en effet au chapitre 3 dans l’évangile de Luc la présentation de l’origine de Jésus ainsi : « Quand il commença, Jésus avait environ trente ans ; il était, à ce que l’on pensait, fils de Joseph, fils d’Éli… » et poursuivi par suit une longue liste deX noms des hommes, et la dernière phrase de cette liste c’est «… fils d’Énoch, fils de Seth, fils d’Adam, fils de Dieu. » Ainsi donc, Jésus se trouve dans les générations préparées depuis toujours par Dieu et lui-même, le dernier de cette lignée est le Fils de Dieu. On ne voit pas la présence des femmes dans cette remontée à l’origine ou plutôt dans cette généalogie, saint Luc se préoccupe davantage de l’origine divine du Sauveur que son appartenance à une famille humaine qui est bien évidente.

Cela sera totalement différent quand on lit l’évangile de Matthieu, en particulier, le texte de la généalogie que nous venons d’écouter. Matthieu fait une autre démarche que celle de Luc, il commence par l’appartenance évidente de Jésus à la maison de David, descendant d’Abraham et il justifie cette origine, cette genèse de Jésus en détaillant les générations à travers les siècles. La démarche de descente qu’a prise Matthieu est pour nous éclairer sur ce qu’est le plan du salut dans l’histoire.

En effet, la première remarque c’est l’apparition des femmes parmi les noms des patriarches. Quatre femmes païennes dont Matthieu nous donne les noms : Thamar, Rahab, Ruth et la femme d’Ourias (Bethsabée). Elles ne sont pas juives, mais Dieu les place dans son plan pour continuer la lignée choisie. C’est ainsi que se montre déjà le salut universel que Dieu prépare à partir de son peuple jusqu’au jour où tous les peuples peuvent reconnaître ce salut offert et le recevoir. Cette remarque est importante parce que l’évangile de Matthieu est rédigé pour la communauté chrétienne-juive judéo-chrétienne. C’est dans cette communauté que Matthieu témoigne que Dieu veut le salut non pas seulement pour les juifs, mais aussi pour toutes les nations.

Mais comment et par quel moyen ce salut parvient-il à tous les hommes ?

L’apparition d’une cinquième femme dans la rédaction de la généalogie est une rupture totale. La lignée est interrompue sous le plan humain. Regardons de près ce que nous dit le texte.

03 Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram,

05 Salmone, de son union avec Rahab, engendra Booz, Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé,

06 Jessé engendra le roi David. David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon,

La composition littéraire de trois phrases se forment selon la structure : le père, de l’union avec la femme, engendra le fils. Ou plus exactement selon le texte c’est : le père engendra le fils de la femme. Tous les verbes au sens actif.

Mais ce qui suit est une autre structure :

16 Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.

Le verbe « engendrer » est au passif et son sujet n’est pas montré. La structure devient maintenant : Le fils n’est engendré que de la femme ! Jacob engendre Joseph, mais Joseph n’engendre pas Jésus.

Ce n’est pas par hasard que Matthieu change sa composition littéraire. Sans aucun doute, il veut manifester la foi de sa communauté en l’origine divine de Jésus. Et si Jésus vient de Dieu, Marie jouera un pont pour que la divinité vienne à l’humanité.

Sur le plan humain, l’apparition de Marie montre la fin d’une généalogie biologique, mais sur le plan divin, c’est la continuation d’une même généalogie dans laquelle Dieu continue à étendre la branche des générations. Ainsi la volonté divine concernant le salut universel est continuX, non pas grâce à des gens nés de leur propre origine, mais grâce à des hommes et femmes qui naissent d’une nouvelle naissance, à savoir dans l’eau et l’Esprit.

Chers frères et sœurs, avec la Vierge Marie, nous sommes des gens qui appartiennent à une nouvelle généalogie qui continue à faire élargir la famille de Dieu dans le monde. C’est pourquoi je me disais que peut-être ce qui est  le plus important que nous devons demander à la Vierge c’est de nous aider à comprendre notre rôle, notre présence dans ce monde. Dieu a une vie à nous donner et Il voudrait la construire avec nous. Et je pense que comme Marie X a laissé entrer dans le monde la Parole de Vie de Dieu, comme elle, nous pouvons faire germer aussi au monde la vie reçue.

Je conclus par un petit récit.

Un homme visite le paradis, par privilège spécial. Saint Pierre lui montre tout et, au moment de partir, notre homme aperçoit, à l’entrée du paradis, un magasin. Il entre et voit un ange au comptoir. Il lui demande : « Qu’est-ce qu’on peut bien acheter ici ? » – « Tout ce que vous voulez… », lui répond l’ange. (un des rares cas d’inversion du sujet !)

– Ah ? Eh bien ça tombe bien, parce que moi je voudrais la paix dans le monde, je voudrais que tout le monde mange à sa faim, qu’il n’y ait plus de gens qui souffrent, que les chrétiens se réconcilient, que l’Église soit plus accueillante, que… – Hep ! Attendez ! dit l’ange. Vous ne m’avez pas laissé finir… Ici, on ne vend pas les fruits, on ne vend que les graines… »

Que, même seule une fois, en venant à Marie, nous ne lui demandions qu’une seule chose importante : apprends-nous, Mère de Dieu, à reconnaître comme toi notre appel divin dans ce monde.

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La Vierge Marie se montre à Buglose comme signe de protection de Dieu envers tous ceux qui cherchent en lui un refuge. Avec elle, dans notre action de grâce, implorons encore la bienveillance de Dieu sur notre ville et notre diocèse.

Dieu de tendresse et de pitié, tu veux que la Vierge Marie mette au monde ton Fils unique pour le salut de tous les hommes. Accueille les prières de tes enfants qui se confient à l’intercession de la Sainte Vierge Marie.