homélie des obsèques de soeur Marie-François, frère Eric de Clermont-Tonnerre, OP

 

Samedi 20 juin 2020

Chères sœurs, chers amis, membres de la famille de sœur Marie-François, nous sommes ensemble pour accompagner dans la prière et par cette Eucharistie sœur Marie-François dans sa Pâque.

Chaque jour, à la messe, en communauté, elle s’est laissé conduire vers Dieu en s’associant à la Pâque du Christ, mort et ressuscité.

Chaque jour, à la messe, en communauté, elle est passée par le Christ, avec Lui et en Lui,  à Toi, Dieu le Père Tout-Puissant.

Nous sommes venus au jour, de la nuit du néant à la lumière de la vie. Nous sommes allés de la jeunesse à la vieillesse jusqu’à la mort.

Le chrétien sait qu’il est toujours tourné vers le jour et qu’il continue à aller de la mort à la vie.

Le Christ Jésus, le premier-né d’entre les morts né à la vie nouvelle est le passeur qui nous est donné, Celui qui  au moment donné se tient à nos côtés et nous tient la main, pour nous guider, pour nous conduite au Père.

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Homélie  (Dt. 6, 3-9 ; Mt. 11, 25-30)

Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toute ta force.

Ecoute, tu aimeras.

Il y a là toute la vie chrétienne,

les oreilles et les mains

L’écoute de Dieu, du Dieu unique et, parce qu’Il est Unique, il nous unit et nous lie les uns aux autres, dans une écoute fraternelle les uns des autres, dans l’écoute de nos frères, de nos sœurs, de ceux et celles qui ont besoin d’être écoutés parce qu’ils souffrent.

Cette longue écoute de toute une vie, cette longue écoute du Dieu unique, nous unit les uns aux autres, nous unit à tout homme, à toute femme mais aussi nous unifie, unifie notre être, tout notre cœur, toute notre âme, toutes nos forces sont mobilisés.

Mais quelle drôle d’idée d’inviter le croyant à attacher ces paroles à sa main, à les mettre sur son front, à les écrire sur les poteaux de sa maison, sur ses portes.

Quelle drôle d’idée d’inviter le croyant à les répéter assis dans sa maison ou marchant sur la route, aussi bien couché que debout.

Sûrement l’invitation est claire : pas seulement le cœur mais aussi les pensées, pas seulement les pensées ma, pas seulement à la maison mais aussi sur la route et au travail.

Sœur Marie-François avait pris au sérieux cette invitation. Elle était exigea nte : pas seulement écouter mais mettre en pratique ; une attention à la loi, à la règle, une manière d’être fidèle, d’être rigoureuse, la prise au sérieux de Dieu, de la vie chrétienne, de la vie de moniale, de sa propre vie.

Elle n’avait pas ces paroles accrochées aux mains ou au front, mais elle avait l’habit et le voile de sœur de saint Dominique qui lui rappelait cette vie donnée pour écouter, pour aimer.

Ecoute, Israël…tu aimeras…

Sœur Marie-François aimait ce joug de la loi qui libère l’être profond pour le mettre sur le chemin de l’amour.

Mais cet appel de Dieu, ce joug de la loi donnée et vécue, et pratiquée peuvent conduire les religieuses et religieux  quels qu’ils soient, de toute religion à beaucoup d’orgueil, à se croire sages et savants, plus avancés que les autres, capables de les conduire. Jésus, dans l’évangile le déclare fermement dans cette magnifique louange, dans ce magnificat : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants.

Très étonnant comme louange, Il remercie son Père d’avoir caché ces choses aux sages et aux savants ! Dieu prendrait-il plaisir à cacher, à se cacher ?

Non, ce n’est pas un plaisir car il cherche à de faire connaître, son plaisir, c’est que beaucoup le rencontrent, le connaissent et le reconnaissent.

Il ne prend pas plaisir à se cacher.

Mais pour lui, se cacher est une nécessité car l’homme ne peut voir Dieu sans mourir, car l’homme aimant la toute-connaissance, la toute-puissance aurait, à toujours la tentation de mettre la main sur Dieu ;  à penser à sa place, à parler à sa place, à juger à sa place.

La vie chrétienne, la vie religieuse, la vie monastique…une vie d’humilité et de douceur. Je suis doux et humble de cœur. Tout notre cœur, toute notre âme, toute notre force pour laisser Dieu nous conduire, pour le laisser faire.

Vous le savez : un joug est une pièce d’harnachement qui a pour fonction de joindre deux animaux appelés à une même tâche. Ceux que Dieu a mis sous le même joug que l’homme ne le sépare  pas. Les conjoints, l’homme et la femme, sont sous le même joug, ils vont ensemble.

En Jésus Christ, Dieu s’est mis sous le joug de l’humanité pour nous mettre sous le joug de la divinité.

 

Dieu et l’homme,

l’homme et Dieu

ensemble

Jésus Dieu avec nous,

nous avec Jésus, avec Dieu,

le Père et le Fils,

le Fils et le Père sous le même joug de l’Esprit.

Le Christ et l’Eglise,

l’Eglise et le Christ,

l’Eglise et le monde,

le monde et l’Eglise.

Le salut du monde passe par ces liens « con-jugaux ».

Nous passons de ce monde au Père,

à la fois un à un,

une à une

et ensemble.

Aujourd’hui, nous rendons grâces pour sœur Marie-François, pour son exigence, sa volonté, pour sa simplicité,  pour sa sensibilité et nous la confions au Christ sous le joug duquel elle s’était placée.