translation de st Dominique, homélie du Frère Marie-Augustin LAURENT-HUYGUES-BEAUFOND, op

 

 

L’hagiographie de Dominique nous rapporte cette vision qu’il eut en rêve de S Pierre et St Paul, l’un lui tendant le bâton du pèlerin et l’autre les Évangiles, et lui donnant un ordre de mission : « Va et prêche ». Depuis 800 ans c’est le programme de l’Ordre des Prêcheurs, celui que Jésus donna lui-même à ses disciples, dans cette finale de l’Évangile de Matthieu que nous venons d’entendre : « Allez, de toutes les nations faites des disciples ». En ce jour où nous commémorons la Translation des reliques de Dominique, il me plaît de remarquer malicieusement que ce « va et prêche », Dominique l’a accompli jusque dans sa mort !
Lorsqu’on décida de lui ériger un tombeau, et qu’on ouvrit sa sépulture pour déplacer, « translater » ses reliques, les frères très inquiets de ce qui aurait pu confiner au grotesque furent surpris par l’odeur parfumée qui émanait du caveau de Dominique. Ils craignaient de trouver un cadavre malodorant, mais la sainteté de Dominique devenait évidente par cette bonne odeur, la bonne odeur du Christ, répandant la grâce de Dieu dans les cœurs et la joie sur les visages des frères présents. Même mort, Dominique continuait à annoncer une « bonne nouvelle ». Va et prêche, sois déplacé par tes frères, et continue de leur parler de Dieu ! Une prédication… silencieuse, qui convient bien Dominique, dont nous n’avons conservé aucun écrit, et à peine quelques paroles authentiques. Lui empathique, qui riait avec ceux dans la joie et pleurait avec ceux dans la peine, cela lui va bien de continuer à prêcher dans la mort par un parfum discret qui s’offre à tous sans s’imposer et laisse chacun libre de sa réaction.
Ce « va et prêche », c’est le programme des disciples de Jésus. Comme à chaque fois que Dieu donne un ordre de mission, il donne aussi les moyens de l’accomplir. C’est une constante dans l’Écriture : tous les prophètes appelés ont des réticences. Moïse c’est « je ne sais pas parler », Dieu répond « Aaron sera avec toi ». Jérémie se sent faible et incapable, le Seigneur dit « c’est ma loi que tu énonceras ». Et Paul qui se sent indigne, le Christ lui dit « c’est ma force qui se déploie dans ta faiblesse ». Pour nous, le moyen de remplir ce programme, c’est la première lecture qui nous en parle : le programme de la vie évangélique dévouée à l’annonce du salut, c’est la vie de la première communauté. Vie de partage et de fraternité, vie régulière d’assiduité à la prière et où chacun fait assaut de générosité pour ses frères et ses sœurs.
C’est d’ailleurs le début de notre règle, la règle de st Augustin, qui fut celle de Dominique comme chanoine d’Osma, règle qui commence par ces mots « pourquoi êtes-vous réunis sinon pour louer Dieu ensemble, ne faisant en lui qu’une âme et qu’un seul cœur ? »
Oh nous le savons bien que ce tableau de Luc dans les Actes est sans doute un peu idéalisé. D’ailleurs, le reste des Actes des Apôtres ne fait pas l’impasse sur les tensions et dissensions qui traversent la première communauté de Jérusalem. Nous savons très bien que ce sont les mêmes combats que nous connaissons dans la vie fraternelle. Conflits d’influence, privatisation des ressources et des apostolats, inimitiés et haines fraternelles cuites et recuites à petit feu… Rien de tout cela ne nous empêche de vivre quand même la charité et d’annoncer la bonne nouvelle, d’accomplir ce « va et prêche » que l’Ordre reçoit par Dominique du Christ lui-même comme étant sa mission. Comme nous le dit le début de la Constitution fondamentale de l’Ordre : « l’Ordre fut institué pour l’évangélisation du St Nom de Jésus par toute la terre », c’est littéralement cet Évangile de Matthieu que nous avons lu.
Que le seigneur nous donne d’entendre de manière renouvelée cet appel, celui de tout disciple, « va et prêche », et de savoir le réaliser à la manière de Dominique, répandant par notre vie la bonne odeur du Christ, qui réjouit le cœur de notre frère, de notre sœur, de notre prochain. Amen.

Translation de notre père saint Dominique

Frère Marie-Augustin LAURENT-HUYGUES-BEAUFOND

Act.  4, 32-35 ; Mt. 28, 16-20