homélie pour le 6e dimanche de Pâques, frère Luc DEVILLERS, op

Dimanche dernier, l’apôtre Philippe disait à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit ! » J’aime ce disciple, qui certes fait preuve d’impatience, mais avoue ouvertement que son désir le plus cher est de voir le visage du Père. Car c’est pour cela que nous sommes faits : voir Dieu face à face ! Pas seulement le Christ, qui s’est fait homme, qui s’est déjà fait semblable à nous, mais son Père, notre Père. Et voir le Père, c’est bien sûr découvrir le mystère de la Sainte Trinité, qu’il ne faut surtout pas considérer comme une équation mathématique impossible à résoudre, mais bien plutôt comme le lieu de notre bonheur éternel. Tout au long de cette semaine, avec les sœurs de ce monastère, nous avons étudié la première Lettre de Jean, qui affirme qu’un jour viendra où nous verrons notre Père des cieux « tel qu’il est » !

Si Jésus a repris Philippe dimanche dernier, ce n’est pas parce que son désir est mauvais ou déplacé, mais c’est juste pour l’inviter à la patience. Car voir le Père, ce n’est pas possible sur cette terre. Nos premiers frères dans la foi, parmi lesquels les douze apôtres, ont eu la grâce de connaître Jésus face à face, notre Sauveur venu partager notre condition humaine. Mais nous, nous ne voyons pas plus Jésus que le Père. Ce qui nous lie à lui, depuis notre baptême, c’est notre désir de le suivre, de l’imiter, d’aligner notre vie sur sa parole : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements », nous dit-il ce matin. Et ses commandements se résument à l’amour de Dieu et du prochain, comme lui-même nous a aimés. Nous ne sommes pas encore dans le temps de la vision, mais nous suivons Jésus en lisant et en méditant les évangiles.

La liturgie de ce dimanche nous parle d’un autre Philippe : non plus l’un des Douze, mais l’un des Sept premiers « diacres », que saint Luc désignera plus loin comme « l’Évangéliste », le porteur de la Bonne Nouvelle (Ac 21,8). Ce matin, il sillonne la Samarie pour y annoncer le Christ. Philippe est un évangélisateur de premier ordre, un prédicateur à succès. Une grande joie s’empare des habitants de la ville où il prêche et accomplit des miracles. Puis les Apôtres Pierre et Jean viennent de Jérusalem pour parfaire la formation des nouveaux disciples, en leur offrant le don sans prix de l’Esprit Saint. En quelque sorte, avant qu’on n’invente ce terme, ils confirment ces nouveaux baptisés.

De nos jours, grâce à Dieu, il y a de nombreuses personnes, issues de toutes les couches de la société et de tous les pays du monde, qui découvrent le Christ et son message d’amour, et se préparent au baptême. Hier, dans ce diocèse des Landes, plusieurs dizaines d’adultes étaient réunis pour une ultime préparation au sacrement de la confirmation. C’est pour nous une grande joie de le savoir, et parfois d’en être les témoins. Certes, cela n’enlève rien au drame que vit notre Église en ce moment, avec la défection de nombreux fidèles, choqués par les abus en série commis par des clercs ou tout simplement désintéressés par la pratique religieuse, que la crise sanitaire a fortement impactée. Et si, parmi les plus jeunes, il y a des îlots de résistance ou de renaissance spirituelle, beaucoup semblent totalement étrangers à la joie de croire en Jésus, indifférents à la question du sens profond de la vie.

C’est alors que les mots de Pierre, entendus en deuxième lecture, peuvent nous aider à reprendre courage : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. » Apprendre à vivre dans un monde qui n’est plus chrétien, comme ce fut le cas pour nos premiers frères dans la foi. Car, dans le cadre de l’empire romain mais aussi à ses franges orientales, c’est peu à peu que les chrétiens des premiers siècles ont imprégné la société des belles valeurs de l’Évangile. Aujourd’hui Jésus nous assure qu’il ne nous laisse pas tomber : il ne nous laisse pas orphelins. Il nous envoie l’Esprit de vérité pour nous guider au long de notre vie. Alors, frères et sœurs, gardons courage, et invoquons l’Esprit du Christ pour qu’il nous transforme en témoins joyeux de la Bonne Nouvelle ! Amen.