Chaque fois que je médite cet évangile, ou que je suis appelé à le commenter, je me demande pourquoi dans notre Sainte Eglise, nous n’avons pas cessé d’introduire des mondanités, des façons de faire mondaines pour nommer les gens : pères, abbés, maître, monseigneur, éminences.
Je suis fier d’appartenir à l’Ordre de saint Dominique, lui qui, en 1206 a décidé qu’on ne l’appellerait plus que frère Dominique. C’était à Montpellier.
Une personne de Montpellier justement, assez âgée maintenant, m’a raconté que pendant quelques années, elle avait eu, après bien des péripéties lumineuses et douloureuses, un accompagnateur spirituel orthodoxe, qui habitait l’Angleterre, qu’elle allait voir de temps en temps et à qui elle écrivait régulièrement : Le hiéromoine Sofrony, un homme de grande qualité, voire sainteté spirituelle. Un jour, elle lui demanda : Puis-je vous appeler père ? Il lui répondit : Oui, vous le pouvez, mais je ne le suis pas ! Car je ne vous ai enfanté ni naturellement ni spirituellement. Si je puis être père, c’’est seulement comme un frère.
Comme un frère.
Au cœur, de cet évangile, alors que se multiplient les fonctions (scribes, pharisiens, enseignants) les lieux en vue (chaires, places publiques ou sièges d’honneur) les titres (rabbi, maître, père…) ces quatre mots jaillissent comme un éclair :
Vous êtes tous frères !
Oui, c’est notre unique titre de gloire qui fait place à chacune et chacun d’entre nous et à tous ceux qui n’ont pas encore de pace parmi nous.
Il faut doc que nous construisions un corps de frères et de sœurs où chacun a une place royale et où il n’y a pas de pace particulière, privilégiée
Ce ne sont pas des mots,
C’est une réalité,
C’est donc une tâche.
Ce corps que nous formons est habité par un unique mystère qui lui donne son sens:
Un seul Père qui attire à lui ses enfants, nous sommes tous frères.
Un seul Docteur qui enseigne par sa parole et par sa vie, le Christ, nous sommes hommes et femmes de l’Evangile,
Un seul Maître, l’Esprit Saint qui inspire, unit et envoie. Nus sommes libres et liés.
Tous les responsables dans l’Eglise sont sous l’autorité et en dépendance de cette paternité unique, de ce magistère unique, de cette inspiration unique.
Nous tous, ensemble nous devons être dociles à l’Evangile, nous y convertir et le vivre, en vivre, parmi nous et entre nous. A son école, agir ainsi : des paroles pas seulement des promesses, mais des paroles qui engagent, les paroles qui bénissent et non des paroles qui jugent
- Pas seulement des paroles mais des actes de foi, de charité, d’accueil
- Non pas des fardeaux imposés sur les épaules des autres, mais des fardeaux portés les uns avec les autres, les uns pour les autres,
- Non pas le choix d’une bonne place, mais la décision de faire place aux autres,
- Non pas des salutations, des admonestations voire des vitupérations vaines et imprudentes à l’égard de ce qui brille, mais l’attention à ce qui est dans le secret rayonne, pousse, grandit…
Prenons l’Evangile au sérieux, prenons cet Evangile au sérieux.
Samedi 26 août 2023 – Notre Dame de Czestochowa
20ème semaine per annum
Frère Eric de CLERMONT-TONNERRE
Rt. 2, 1-3. 8-11. ; 4, 13-17 ; Mt. 23, 1-12