homélie du 33e dimanche du TO, année c, frère Bruno CADORE, op

Il vient le Jour du Seigneur, le jour où la plénitude de sa présence révèlera en pleine lumière, en pleine vérité ce que nous croyons. Il vient ce jour où le temps humain que nous connaissons,  ce temps fini s’effacera pour se transformer en un temps que nous ne connaissons pas, dont nous ne savons presque rien, d’un temps pour Dieu, le temps de Dieu. Telle est notre espérance, frères et sœurs ; elle s’inscrit à la suite de l’espérance du peuple choisi par Dieu, éduqué par Dieu, libéré par Dieu. Ce temps, nous l’avons compris en écoutant les lectures, ne sera pas le temps de la splendeur des temples, ne sera pas le temps de la réussite des constructions humaines, il sera le temps humble de la présence de Dieu. Mais quand cela arrivera-t-il ? A cette question, Jésus répond, une fois encore, en changeant la perspective :’Vous vous demandez quand cela arrivera et je voudrais vous répondre comment vous devez attendre ce temps-là’. Au terme du chapitre de saint Luc 21, Jésus conclut ce passage d’annonce apocalyptique du temps de Dieu en disant : « Veillez, priez sans cesse pour vous tenir debout devant le Fils de l’Homme’. Alors, la question n’est pas quand, mais comment. Comment, frères et sœurs, nous tenir debout pour veiller la venue du jour du Fils de l’Homme ? Je pense que les textes que nous avons entendus aujourd’hui, nous invitent à considérer trois réponses et je voudrais énumérer ces trois réponses et si j’en ai le temps vous raconter une histoire.

La première c’est la réponse donnée à l’écoute du prophète Malachie. Nous sommes au temps de l’exil, le peuple voit que l’on reconstruit autour de lui mais le peuple pose des questions à ce prophète. Il est un peu comme nous. Certes, nous pensons que Dieu est grand, que Dieu est juste, que Dieu est vrai mais autour de nous, nous voyons beaucoup d’arrogance, beaucoup de faux pouvoirs, beaucoup de catastrophes, beaucoup de violence, beaucoup de guerres, beaucoup de nations qui se dressent l’une contre l’autre, beaucoup de familles qui se divisent.

Bref, nous voyons que les choses ne se passent pas comme Dieu semble dire qu’elles peuvent se passer. Et le peuple dit au prophète : ‘Mais tu nous dis que Dieu nous aime mais en fait ce sont les arrogants qui l’emportent, ce sont les violents qui l’emportent, ce sont les puissants qui mènent ce monde ; d’une certaine manière, où est-il ton Dieu ? Et comment faire pour l’attendre sereinement alors que tout semble contredire ce que toi le prophète et ce que nos pères nous ont enseigné, de Dieu. Le temple ne durera même pas alors qu’on est en train de le construire à Jérusalem. C’est qu’il nous faut comprendre pour nous tenir debout à l’attente du Fils de Dieu, que temple n’est pas le fruit de ce que les hommes décident et construisent ; le temple est le temple de Dieu, la construction par l’esprit de Dieu de son peuple infiniment plus beau que toutes les dorures et les fastes, infiniment plus simple aussi. Mais comment alors se tenir serein au milieu de cette arrogance du monde ? Ceci n’est pas très facile ; en particulier il n’est pas très facile de se tenir serein dans l’unité. L’évangile nous propose une manière de faire, une manière de se tenir debout ;   non seulement il ne faut pas se décourager devant l’arrogance mais il ne faut pas se perdre dans de fausses recherches. Ils vont venir ceux qui vont vous dire mais :  ‘la sagesse c’est moi, la vérité c’est moi, le bien-être c’est comme ça ; ton développement c’est ici, les vraies identités, les vrais groupes, les vraies communautés, c’est comme ça ! L’avenir c’est la prospérité ! Ceci n’est pas simplement des temps où on se place dans ce monde. Nous assistons à cette concurrence en quelque sorte d’une annonce, d’un avenir de prospérité d’un côté, et de l’annonce d’un avenir que nous recevons du Christ s’exposant pour affronter avec nous les réalités humaines, affronter au milieu de nous le mal et le renverser. Comment allons-nous faire pour éviter de déserter la soif de la présence de Dieu au profit de réponses immédiates, plus faciles, plus rationnelles. De quelle façon allons-nous apprendre à vivre vraiment en attente de Dieu, non pas d’un Dieu qui nous donnerait des réponses à toutes nos questions mais d’un Dieu dont la réponse est sa présence avec nous. Dieu est le Dieu des questions, le Dieu de la soif, le Dieu de la faim, le Dieu de la patience. Il n’est pas le Dieu qui clôt les questions. Il n’est pas le Dieu des solutions. Il est le Dieu de la vie et la vie ne se vit pas par avance ; la vie se reçoit et nous confessons que nous la recevons dans l’esprit d’unité de la présence du Christ donnant sa vie pour cette unité.

C’est la deuxième réponse. Il y en a une troisième qui est celle de Paul aux Thessaloniciens. Lorsque Paul dit : ‘vous pourriez être tentés de croire que puisque le temps va s’achever, alors il n’y a plus rien à faire ou puisque Dieu est si grand et puisque Dieu fait tout, alors il n’y a pas à se soucier, nous, de faire quelque chose mais ce que vous êtes temple de Dieu’. Mais vous êtes ceux qui posent la question à Dieu dans ce monde. Alors ce n’est pas le temps de l’oisiveté, c’est le temps de l’engagement avec Dieu qui, Lui, s’engage pour vous et avec vous. Tenir debout, lutter contre le découragement, lutter contre la tentation des réponses immédiates et faciles pour laisser vivre le Dieu de la question, le Dieu de la soif et du désir, et de vivre aujourd’hui puisque vous êtes aujourd’hui temple de Dieu, l’aujourd’hui de Dieu.

Une histoire si vous avez deux minutes.

Nous sommes en république Centre-Africaine, il y a quelques années au temps d’une de ces apocalypses dans le monde, vous savez où tout le monde s’affrontait, où tout le monde se dénonçait, où tout le monde se tuait, les chrétiens tuaient les musulmans, les musulmans tuaient les chrétiens, les non-croyants tuaient les non-croyants, les croyants tuaient les croyants et on embauchait des groupes d’enfants pour en faire des enfants soldats. Au milieu de cet apocalypse, une capitale totalement détruite où il ne restait plus pierre sur pierre, une femme vivait au milieu de la catastrophe avec ses enfants et quelques amis de ses enfants, tous des adolescents dont un bon nombre de jeunes hommes adolescents. Et puis l’apocalypse a éclaté et tous ces adolescents étaient en danger d’être saisis par des guérilleros de tous côtés pour en faire des enfants soldats ; cette femme avait peur. Mais elle était croyante, et elle avait des amis croyants. Dans l’hésitation, elles ont décidé qu’il fallait vivre l’aujourd’hui de Dieu.  Elles ont réuni ces adolescents et elles ont constitué comme une sorte de bouclier de femmes autour d’eux pour sortir de la zone de guerre. Au milieu des tirs et des menaces, elles ont avancé en se cachant, mais avancé pour en sortir. Elle me disait : ‘pendant tout ce temps, je disais à Dieu il faut que tu sauves ces enfants’. Et je lui dis : ‘alors qu’est-ce qu’il a fait’ ? Et elle répond : ‘Il les a sauvés ; nous les avons protégés et sortis de cette zone d’apocalypse pour entrer dans ce qui serait désormais la vie possible pour eux’

Si je vous raconte cette histoire, frères et sœurs, c’est parce que nous devons considérer que le temps de l’apocalypse n’est pas simplement d’ailleurs, ni d’avant ni d’après, il se joue dans notre monde.  Mais le temps de l’aujourd’hui de Dieu se joue aussi dans notre monde. Et l’aujourd’hui de Dieu là-bas dans cette république centre-Africaine c’était ces femmes croyantes, unies à cause du Nom du Christ, elles ne se sont pas demandé ce qu’il fallait qu’elles disent du Christ. Elles ne se sont pas demandé quel était ? qu’elles cherchent ou la sagesse qu’il fallait élaborer ; elles ont considéré qu’il fallait protéger la vie et que Dieu serait avec elles. Tel est l’aujourd’hui de Dieu que nous devons attendre, debout, sans nous décourager.

HOMELIE DU 33E DIMANCHE, TO

Frère Bruno CADORE

Ml 3, 19-20

2Th 3, 7-12

Luc 21, 5-19