Homélie du 1 juillet 2018, frère Sylvain DETOC

 

La liturgie de ce matin, frères et sœurs, nous invite à poser non pas un, non pas deux, mais trois actes de foi. Ou plutôt, à donner à Dieu notre foi en trois temps, qui sont comme trois étapes d’une croissance de notre confiance en lui.

Premier acte de foi : croire que Dieu, en Jésus, peut nous sauver de la mort. On peut le comprendre d’abord dans le sens suivant : croire que Jésus peut nous empêcher de mourir, c’est-à-dire intervenir avant que la mort ne survienne. Que Jésus ait le pouvoir de guérir les malades, de toute évidence, beaucoup parmi ses contemporains y ont cru. En témoigne l’attitude de cette femme – « l’hémorroïsse » – qui se fraye un chemin vers lui à travers la foule. En témoigne aussi l’attitude de Jaïre, cet homme influent de la communauté juive, qui vient chercher Jésus pour lui demander de guérir sa fille.Mais voilà qu’on lui apprend que c’est trop tard. L’enfant est morte. On veut bien croire que Jésus ait des pouvoirs de guérison – comme d’autres prophètes en ont eu avant lui, et d’autres saints après lui – ; mais jusqu’à présent dans l’Évangile, personne ne croit que ce pouvoir de guérir s’étend au-delà des limites de cette vie. Puisque la fillette est morte, donc, « à quoi bon déranger encore le Maître ? ». Il ne peut plus rien pour elle…

La différence entre une guérison et une résurrection, de fait, est considérable. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! Même chez une personne malade, le principe de vie, le souffle vital – l’« âme », comme on dit – est là. Et tant qu’il est là, qui sait si l’organisme, surtout si on l’y aide, ne va pas trouver au fond de lui des ressources insoupçonnées pour guérir ? Les médecins honnêtes le reconnaissent : eux, leur métier, c’est de soigner ; celui qui guérit, c’est le malade, et ça leur échappe toujours un peu…Mais lorsque le malade est mort, le principe de vie a disparu, et personne, pas même le plus grand des médecins, n’a le pouvoir de le ramener. Seul celui qui a été capable d’appeler à l’existence ce principe vital pourrait le faire revenir – le rappeler à l’existence. En somme, seul le Créateur peut faire cela. Croire que Jésus puisse sauver par-delà la mort, c’est donc croire au bout du compte que Jésus agit comme Dieu, comme la Parole créatrice qui a appelé toute chose à l’existence. Bref, c’est croire que Jésus est Dieu, qu’il est cette Parole de Vie. Et c’est beaucoup demander, même à un chef de synagogue, que de croire cela.

Deuxième acte de foi, donc : Dieu, en Jésus, peut nous sauver par-delà la mort, nous arracher à la mort. Eh bien, il y a encore plus difficile à croire. Dieu, nous révèle l’Écriture (première lecture), « n’a pas fait la mort ». Dieu n’est pas l’auteur de la mort. Il n’est pas davantage l’auteur du mal. Croire que Dieu puisse opérer des guérisons, soit ; croire qu’il puisse opérer des résurrections, c’est plus difficile, mais passe encore, puisque, après tout, il est le Créateur.

En revanche, croire que la mort n’appartient pas au dessein bienveillant de Dieu, là, c’est quelque chose qui nous demande un troisième acte de foi, et un acte de foi énorme, tant le spectacle de la nature et de l’histoire de l’humanité crie le contraire. Pourtant, dans la lumière de la foi, nous sommes invités à croire que le projet de Dieu pour l’homme est un projet de vie éternelle : « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. » Autrement dit, Dieu n’a pas appelé l’homme à l’existence pour le laisser échouer dans un tombeau. Dieu a appelé l’homme à l’existence pour le faire entrer en communion avec lui. Nous ne ferons pas le tour ce matin – ni demain, ni jamais – du problème du mal et de la mort. D’ailleurs, Dieu ne nous demande pas d’expliquer pourquoi, malgré son projet grandiose, nous vivons dans un monde crépusculaire, très en deçà du bonheur qu’il a prévu pour nous. Ce que Dieu nous demande, c’est de croire que notre vie, même abîmée par la maladie, même menacée par la mort, a du prix à ses yeux, et qu’il ne la laissera pas tomber dans le néant. Voilà l’acte de foi qu’avec la femme hémorroïsse, avec Jaïre, nous sommes invités à poser ce matin. Et c’est exactement ce que nous faisons en recevant dans l’eucharistie les arrhes de la résurrection

Marc 5, 21-43

13e dimanche du TO, année B