Homélie du 25 décembre, frère Bruno CADORE, OP

« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu et le Verbe était Dieu ». Au commencement ; comme en écho au tout premier mot de la Genèse ; « au commencement, Dieu créa ». Chaque année, frères et sœurs, chaque année l’Eglise en jour de Noël nous appelle à célébrer la joie de la Nativité de Notre Seigneur comme on célèbre le commencement de toute chose en nous et autour de nous. Cette nuit, nous avons vécu l’émotion de la naissance de l’enfant de Bethléem, la douceur du silence ; l’enchantement de la musique des anges, la joie des bergers, l’émerveillement grave de ce jeune couple presque anonyme, Marie et Joseph, ce jeune couple qui recevait ensemble la confiance avec laquelle le Dieu de leur Père leur donnait tout fragile et pourtant si grand la charge de donner au monde le Prince de la Paix. Ce matin, voilà que Dieu nous invite à entrer plus avant encore comme au cœur de ce mystère, au cœur du commencement. Pour Marie et Joseph, dans le silence de la nuit de Bethléem, c’est une toute nouvelle vie qui commence pour eux ; et même une drôle de vie ! Pas si facile ! Car il leur faudra découvrir ce que seront les épreuves de ce messager de Bonne Nouvelle et de Paix, qui vient consoler son peuple, racheter Jérusalem et rassembler les nations. La promesse qu’ils ont reçue, au temps de l’Annonciation, voilà qu’il va leur falloir découvrir qu’elle commence avec celui qui lui est donné par Dieu et que de commencement en commencement  la nouvelle vie que ce petite Prince de la Paix va proposer au monde commencera dans la traversée des épreuves ; ce que l’engagement de ce petit Prince de la Paix l’obligera à combattre, à lutter et à donner ; mais ils pressentent, Marie et Joseph, que commence avec lui quelque chose de décisif pour le monde.

Et aujourd’hui, après ce silence de Bethléem, l’apôtre Jean nous invite à entendre comme dans ce silence la Parole qui créée toutes choses ; cette Parole qui est vie, absolument vie et lumière. En ce jour de Noël, l’apôtre Jean ne nous demande pas d’imaginer un Dieu des commencements comme un vieillard assis au loin, en haut, sur son trône, qui un jour déciderait de proférer une parole créatrice qu’il aurait pu ne pas prendre au sérieux. Non ! Jean nous invite à entrer au cœur du mystère du silence de Bethléem ; à entendre dans ce silence comme le fin murmure présent depuis toujours en Dieu et qui porte la création vers la vie et dans la vie. « Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu, en Lui était la vie ». Ce petit d’homme dans la crèche, couché dans une mangeoire, c’est Dieu lui-même qui porte en Lui le désir de se faire proche de celles et ceux qu’Il a créés par sa Parole, au point de devenir demeurer comme un homme parmi nous. Cette Parole qui existe depuis toujours, c’est comme le désir de Dieu de partager avec les siens la vie qu’Il est, la lumière qu’Il est. « Le verbe était la vraie lumière » et aujourd’hui, jour de Noël, nous sommes invités à accueillir la lumière de cette Parole comme Dieu et à naitre à nouveau de cette Parole créatrice depuis toujours. Mais cette invitation, frères et sœurs, n’est pas une invitation abstraite. Si le verbe s’engage pour porter la vie aux siens, il le fait en invitant les siens à s’engager avec Lui. Pour cela, Il donne un signe très clair, Il vient parmi les siens comme un enfant, Lui, qui est la Parole première ; Lui, qui est cette Parole des commencements depuis toujours ; Lui, la Parole créatrice, la seule Parole qui compte véritablement ; Lui, la Parole, vient au monde comme un enfant implorant ceux qui l’appellent de parler avec Lui, comme tous les enfants du monde ; Dieu vient en silence écouter ceux qui vont lui parler et apprendre avec eux à parler humanité. Il invite les siens à engager avec Lui la conversation à travers laquelle Il deviendra Fils de Marie et Joseph. Au milieu de ses frères et de ses cousins, dans sa famille ; au milieu du peuple de David, Lui qui est depuis toujours, Fils unique de Dieu, Il se fait enfant de tous pour apprendre de tous à parler avec tous. Vous vous rendez compte, frères et sœurs !

 

La Parole qui est le désir premier de Dieu, de venir au cœur de l’humanité, cette Parole s’en remet à l’humanité pour parler avec elle. La Parole de Dieu se confie à sa conversation avec les hommes afin de pouvoir, Lui qui est lumière, éclairer tout homme en venant en ce monde. La Parole de Dieu se confie aux balbutiements des paroles humaines pour faire entendre au monde l’invitation lancée à tous de devenir enfant de Dieu. Tel est, mes sœurs, le mystère des prêcheurs. Voilà, je crois, ce que saint Dominique un jour a perçu au cœur de sa vie : la Parole se confie à toi pour parler avec le monde ; pour que le monde naisse à nouveau. Un nouveau monde, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme mais qui naisse de Dieu, du souffle de Dieu qui a eu l’audace de s’engager dans le monde, en se confiant vulnérable au monde ; « Et le verbe se fait chair » pour que la chair des hommes prenne une nouvelle vie dans la Parole. Et ce matin, dans le Prologue, Jean nous laisse déjà entendre que cet engagement à demeurer parmi nous est loin d’être évident; Il était dans le monde lui qui a créé, lui par qui, le monde s’est fait ; le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez les siens qu’il aimait plus que tout mais les siens ne l’ont pas reçu. Lui, la seule Parole de grâce et de vérité le fera risquer jusqu’à sa propre vie d’homme pour que la vie véritable trouve sa place parmi les hommes. Oui, frères et sœurs, Noël a toujours une couleur de Pâques ; risquer sa vie pour la donner pour que celles et ceux dont Il se fait l’ami, vous, moi, à leur tour par leur désir de naitre à nouveau, s’engagent avec Lui pour que le monde entende la Parole et que le monde ait la vie. « Au commencement était le verbe » venu habiter parmi eux, parmi nous. Il nous propose de porter avec Lui l’écho de cette Parole première ; l’écho de cette Parole qui dit la Bonne Nouvelle d’une nouvelle naissance toujours possible, en vérité ; une nouvelle naissance en Dieu. « Au commencement était le verbe » et le jour du commencement c’est aujourd’hui.

 

MESSE DU JOUR DE NOEL 2019

25/12/2019

FRERE BRUNO CADORE

Is. 52, 7-10   Hb 1, 1-6   Jn 1, 1-18