homélie du 21e dimanche du TO, année A, frère Jean GIANG

Commençons la nouvelle semaine par l’action de grâce à notre Seigneur pour tous les bienfaits qu’il nous a donnés. Et implorons encore sa miséricorde sur notre vie et son pardon pour notre ignorance.

Je me trouve concerné par cette question de Jésus pour me comprendre moi-même. Être chrétien ne nous dispense pas du fait de nous demander : qui est Jésus ? Et pour moi, qui est-il ?

Pour la première question, il semble que nous avions déjà la réponse : Jésus est le Fils de Dieu, le Messie. C’est la réponse de Pierre que l’Eglise s’approprie et nous tous, appartenant à cette Eglise, nous nous approprions aussi cette confession. Or, la première question ne se sépare pas de la deuxième question au risque de stériliser la foi même. Car, sans doute, c’est la foi de l’Eglise, mais aussi, c’est ma foi. Autrement dit, si c’est la foi de l’Eglise, c’est parce qu’elle s’incarne en moi.

De cette préoccupation, je voudrais partager avec vous deux points : le premier point, on peut le reformuler ainsi : si nous sommes tous des confessants, c’est parce que notre confession elle-même a besoin sans cesse d’être renouvelée ; le deuxième point est la conséquence du premier qui peut se dire ainsi : notre foi en Jésus confessé nous pousse à aller assumer volontiers le destin du disciple.

Le premier point, le besoin de renouveler notre confession. La première partie de l’évangile concerne cette question : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? ». De cette question, l’évangile selon Matthieu donne à Pierre la réponse : Jésus est le Messie, le fils du Dieu vivant. La réponse récapitule toute la confession évangélique. Donc, peut-on s’arrêter ici, au chapitre 16, car le but de l’évangéliste est réalisé, à savoir faire connaître aux lecteurs que Jésus est le Messie ? Non. On ne peut pas s’arrêter là. Bien que la réponse soit juste, celui qui répond, pénètre-t-il vraiment ce qu’il a dit ? On doit dire que non. Le judaïsme de l’époque de Jésus ne comprend jamais l’idée d’un Messie souffrant. Le Messie peut être un serviteur humilié, mais triomphant dans ce monde. Or, la mission que Jésus interprète déjà à travers ses choix montre qu’il est le Messie serviteur, souffrant et mort. C’est pourquoi on doit dire que le messianisme qu’établit Jésus est l’unique pour lui seul. Ce qui est absurde pour ceux qui scrutent un messianisme triomphant, c’est que Dieu par son Messie intervient dans ce monde sans rien changer ! Si le monde reste toujours comme avant, soit Dieu n’intervient pas encore, soit on doit attendre un autre Messie.

Or, notre confession est toujours que Jésus est déjà le vainqueur de ce monde et qu’il est déjà le premier semeur du royaume des Cieux dans l’histoire. Il a traversé ce monde par sa mort. Il attire ce monde vers le Père dans sa montée auprès de lui. L’histoire est faite en une seule fois par Jésus. Mais l’histoire ne s’arrête pas. L’événement de Jésus ne supprime pas le cours de l’histoire. Ce qui est changé, c’est que le bon grain est semé. Le royaume des Cieux cherche à se répandre dans le monde. Nous voyons que l’œuvre de Jésus est encore là. Renouveler notre foi en lui, c’est dire qu’on ne baisse jamais les bras devant les épreuves, qu’on ne refuse pas de travailler pour le monde où lui-même a versé son sang. Ce renouvellement n’est pas une proclamation de formule ou de dogme. Il est une pénétration jusqu’au fond de la vie : accepter d’assumer le destin du disciple.

Là, c’est le deuxième point : vivre ce destin du disciple de Jésus. Dans la deuxième partie de l’évangile, Matthieu raconte que Jésus donne à Pierre les clés du royaume des Cieux qui se comprend comme le droit de lier ou délier des choses sur la terre et dans les cieux. Est-ce que Jésus lui a donné un pouvoir hors norme ? Non. Mais plutôt une charge lourde et fatigante ! Déjà, le droit de lier ou délier des choses n’est pas exactement un droit. C’est la responsabilité de celui qui doit enseigner ce qui est permis et ce qui n’est pas autorisé. Cet enseignement se lie avec la vérité devant être dite. Autrement dit, le rôle d’enseignement est le rôle de dire la vérité. Toute sorte de condamnation n’a rien à voir avec cet enseignement. Et surtout Jésus ne demande à personne de condamner qui que ce soit. Or, ce qu’il confie à Pierre, ce sont les clés du royaume des cieux. Ce sont les clés, et non pas la clé. Cette charge consiste dans le fait de savoir comment ouvrir au-delà du  possible les portes d’entrée au royaume promis. Je dirais que c’est le destin du disciple de Jésus : faire entrer dans le royaume à tout prix le plus grand nombre  possible, tous nos frères et sœurs. Cette mission n’est pas une sorte de propagande idéologique. Elle consiste plutôt dans le fait qu’on puisse plonger à un tel niveau dans le chaos du monde pour chercher, comme Jésus, ceux qui cherchent la sortie. Bien sûr, toute mission pour le salut a pour nous un prix.

Payons le plus cher plus possible, même de notre propre vie. Car la vie qu’on reçoit mérite cette mission.

23 août 2020

21e dimanche du Temps Ordinaire

Frère Jean GIANG

Is 22,19-23 ; Rm 11,33-36 ; Mt 16,13-20