homélie du 22e dimanche, année A du TO, frère Jean GIANG, OP

 

Entrons dans cette nouvelle semaine avec l’action de grâce pour tous les bienfaits reçus du Seigneur. Demandons-lui, par cette célébration de l’eucharistie, de nous renforcer dans nos faiblesses, de nous pardonner chaque fois où nous n’osons pas vivre humainement et de façon responsable notre vocation comme témoins. Que sa grâce nous soutienne et nous accompagne dès maintenant.

Je ne reviens pas à ce que nous avons dit de Pierre la semaine dernière, à savoir, à ce qui concerne sa compréhension au titre de Messie de Jésus qu’il a confessé. La première partie de l’évangile aujourd’hui montre bien que pour Pierre, cette confession doit encore être approfondie : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

En revanche, ce qui nous occupe davantage maintenant à mon sens, c’est la deuxième partie de l’évangile où Jésus parle de la croix et du port de cette croix. Mais qu’est-ce c’est cette croix ? Je voudrais reconnaître avec vous notre croix à cause du Christ dans notre vie. Il y a deux aspects dans cette croix : l’aspect de la mort et de la vie et l’aspect d’un renoncement total pour un changement inattendu.

Jésus dans l’évangile de Jean parle d’une manière qui semble une énigme : la mort porte du fruit tandis que la vie est haïe en faveur d’une autre vie.

N’oublions pas que l’auteur du 4e évangile est imprégné par cette foi : au moment où Jésus est mis en croix, c’est le moment même où le Père le glorifie. Ainsi, la croix et la mort de Jésus deviennent-elles pour lui la glorification et la résurrection. Ce paradoxe se jouera comme révélation dans la mort et la vie de Jésus et de tous ceux que Jésus appelle à le suivre.

On a peur de la mort, car la mort est considérée comme terme de la vie. Mais si cette mort n’est plus une mort qui termine un avenir, qui clôt toutes les relations, qui dit non à une espérance, si cette mort est une partie même de la vie, on ne craint plus, on est libéré de cette peur. En revanche, la vie n’est plus la vie quand elle perd cette motivation : donner une autre vie, ouvrir un autre avenir et renfermer une espérance dans le tourment.

C’est pourquoi nous comprendrons que le Père honorera tous ceux qui à l’exemple de son Fils, Jésus-Christ, osent engager leur présence dans ce monde pour la question de la mort et de la vie.

Une fois pénétrés de cette énigme de la croix, nous devons dire que vivre et porter la croix à cause du Christ dans ce monde est pour nous l’occasion d’un changement inattendu. Comment comprendre cela ?

Humainement, dans le pire, l’être humain cherche un miracle comme solution. Un miracle devient une sortie de destin humain. Le miracle existe, mais pas toujours et surtout un miracle ne peut jamais nous libérer de notre humanité. Si l’on vit éternellement, ce sera dans notre humanité qu’on vit et non pas dans la nature des anges ou quoi d’autre. N’oublions pas, Jésus-Christ porte toujours en lui notre humanité. Cette humanité pour lui est sa croix et il la porte heureusement et volontiers dans sa gloire auprès de son Père. Notre chance est d’avoir cette humanité et d’être humain. Un renoncement total est celui de ne pas accepter d’être humain. Personne sur terre même Jésus, même Bouddha, ne vit hors de son humanité. Renoncer à cette humanité, c’est renoncer à exister. En revanche, l’humanité est le seul chemin dans ce monde pour qu’on puisse espérer un changement inattendu. Pourquoi est-il inattendu ? Parce que chacun, selon sa manière de répondre à cette humanité et de pénétrer en elle sa profondeur, reçoit d’elle un changement. Ce changement n’est pas miraculeux, mais sans doute mystérieux comme la croix du Christ.

Porter notre croix, c’est porter notre humanité et vivre pleinement de cette nature. Ne cherchons pas ce qui est au-delà de la question de la mort et de la vie. Parce qu’on ne peut pas accéder au ciel sans passer par la terre. La croix est notre identité par laquelle le Christ nous rejoint.

22 dimanche du Temps Ordinaire

Frère Jean GIANG

Jr 20,7-9 ; Rm 12,1-2 ; Mt 16,21-27