homélie du 28e dimanche du TO Jubilé de sœur Anne-Violaine et de sœur Elisabeth

 

Pour fêter le jubilé de l’engagement de nos deux sœurs dans l’Ordre des Prêcheurs, la Parole de Dieu nous annonce « un festin de viandes grasses et de vins capiteux ». Probablement, mes sœurs, ferez-vous avec moins ce midi … Veiller aujourd’hui (vous le faites) à ce que le méchant virus n’entre pas au monastère n’exclut pas de continuer à veiller sur vos taux de cholestérol. Bon repas de fête cependant ! Bonne journée de fête aussi et là, sans modération « exultez, réjouissez-vous, la main du Seigneur repose sur ce monastère ; il vous sauve ».

Nous avons entendu : le roi de la parabole tient à partager la joie des noces de son Fils avec tous. Tel est aussi notre Dieu : Dieu est celui qui aime et qui appelle continuellement à sa fête. « Vous aussi, venez ! ». Quelle formidable bonne nouvelle ! L’Alliance jadis conclue au Sinaï entre Dieu et son peuple et scellée dans un repas, n’est pas réservée à quelques privilégiés ! Nous la répétons à chaque eucharistie : « Heureux les invités au repas du Seigneur ».

Mais ça, c’est surtout la première lecture, la prophétie et la promesse d’Isaïe. Certes, l’évangile la reprend, en partie au moins. Car en même temps, Jésus attire l’attention sur un paradoxe : le « carton d’invitation » à la fête des noces est diversement reçu, il est même refusé par les invités. Au temps de Jésus, nous le savons, les chefs du peuple de Dieu et, avec eux, une partie de ce peuple, ont refusé le Messie et Son Évangile, alors que d’autres, plus lointains, l’ont cherché et accueilli.  Au temps de Jésus seulement ? Qui d’entre nous ne se reconnaîtrait, à un moment ou à un autre de sa vie, dans ces invités tout entier absorbés par leurs tâches immédiates, leurs petites affaires et leurs prétendues urgences, hantés par l’obligation de performance et de rentabilité ? Oui, il peut arriver, encore aujourd’hui, que des « estampillés chrétiens » refusent le Christ, alors que des « réputés bien loin de l’Église » le cherchent.

C’est le sens du rajout de la parabole sur « le vêtement de noce ». Que dit-il ? Il dit que la vocation chrétienne n’est pas une garantie automatique de participation au Royaume. Ai-je le droit d’imaginer que, dans « les conversation intra-trinitaires », le Père s’adresse au Fils et lui dit : « Toi, l’expression parfaite de ma miséricorde, dis-moi : que vont devenir les pécheurs ? ». Bien avant Dominique … Bien avant vous, dans les pas de Dominique … Si nous avons accepté l’invitation à la joie, avons-nous un comportement qui correspond à l’invitation reçue ?

Et pourtant, le roi ne se décourage pas : il continue à inviter : « Vous aussi, venez ! Contemplez pour annoncer au monde ce que vous aurez contemplé » ; il continue à envoyer des messagers : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? Va et prêche ! » ; il les envoie « aux croisées des chemins »

Quelle belle expression ! Qui sommes-nous ? Nous, les disciples de Jésus, nous sommes envoyés aux croisées des chemins. Là où se rencontrent les points cardinaux : le nord et le sud, l’ouest et l’est ; là où les trajectoires humaines se croisent, qui font éclater les frontières des chemins tracés d’avance : l’invitation aux noces est pour tout le monde,  chaque carrefour du temps et de l’espace ; elle est pour tous, à tous les âges de la vie, dans toutes les situations de la vie, heureuses ou douloureuses. Au monastère ou dans la vie ordinaire des gens ordinaires, nous voulons habiter les croisées des chemins, pour nous mêler aux questions de ce monde, pour aider à ce que personne ne se perde aux carrefours de la vie …

C »est l’heure de l’eucharistie qui nous réunit pour nous envoyer, pour que nous allions … En quelque sorte, intérieurement au moins il nous faut sortir … Parce que Jésus nous le demande et que le Père nous envoie. Notre vœu, notre richesse et notre bagage ? « Je peux tout en celui qui me donne la force … Et mon Dieu comblera tous mes (vos) besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus ». Notre festin de viandes grasses et de vins capiteux, il est là.

Jubilez donc ! Belle fête ! Joyeux courage pour l’étape qui commence ! Et comme le chante si bien l’apôtre des nations : « Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles, amen ».

Père Bernard HAYET

Is 25, 6-10a

Ph 4, 12-14.19-20

Mt 22, 1-14