homélie pour le vendredi 25 février, frère Bruno CADORE, op

 

Sœurs, frères,

Aussi étrange que cela peut paraître je voudrais attirer votre attention sur le Psaume de ce jour. Un Psaume que nous avons l’habitude de chanter souvent, que nous aimons chanter, qui dit la bénédiction, la tendresse de Dieu, sa grandeur et son pardon. « Bénis le Seigneur, ô mon âme !», voilà en quelque sorte ce qui porte et anime notre prière constamment, qui voudrait animer notre prière constamment. « Bénis le Seigneur ô mon âme »

Nous rendons-nous compte de ce que nous disons là ? Qui d’entre nous peut prendre le temps, fixer le moment, entrer dans une église, se mettre à genoux, ou debout, ou assis,  et là, décider dans sa tête il ou elle va être capable de dire : Bien ! maintenant mon âme, bénis le Seigneur ! Ce serait une sorte de description de la prière organisée, stratégiquement programmée, prévue en quelque sorte… comment dire ? habituée ? entraînée ? or nous savons bien la prière ne se passe pas comme cela. Nous savons bien… que de fois  quand nous arrivons dans une église, en disant j’ai décidé de prier, mon cœur aimerait prier, me dit qu’il faut prier, ma communauté me dit qu’il faut prier.. Et puis cela ne se passe pas exactement comme on le pense…

Mais que de fois aussi, grâce à Dieu ! sans coup férir, sans prévenir, notre âme comme à elle-même s’adresse et dit : « bénis le Seigneur, ô mon âme ! » La bénédiction de Dieu nous est donnée. ! La prière est cette attitude où, dans la vie, l’homme dépasse l’âme de l’homme, est saisie par Dieu et dépasse ce que l’esprit de l’homme peut dire à l’homme de faire. La prière, c’est ce moment où l’humanité découvre qu’elle est habitée par une puissance plus grande, plus grande que lui, des puissances d’amour qui conduisent à ce qu’elle a comme amour possible en elle d’humanité, à aimer celui qui aime. « Bénis le Seigneur, ô mon âme ». C’est comme une sorte de cri d’exultation, comme si cette exultation était ce qui nous fait vivre depuis le début, ce qui nous crée, ce qui nous tient, dans la vie.

Bénédiction. Et cette bénédiction dans le Psaume nous renvoie à deux réalités. La première est la grandeur et la beauté de Dieu et le psalmiste, vous, moi dans ces moments de cœur à cœur où l’âme communique avec Dieu au-delà même de nos limites. L’humanité découvre que ce Dieu, qu’elle aime à bénir est un Dieu de largesse, un Dieu de pardon, un Dieu de bonté, un Dieu qui ne calcule pas d’un côté le positif et de l’autre ; un Dieu qui ne m’attend pas au coin de la rue pour me dire : Tu as vu tout ce que tu as raté ? Un Dieu qui ne compte pas, en sorte qu’il compte sur moi pour compter sur lui. Un Dieu de pardon et de largesse. Un Dieu dont le nom est saint. Un Dieu qui guérit, mais plus encore un Dieu qui prend la vie et l’arrache à la mort. Notre prière fut, elle, d’intercession ou de bénédiction, se laisse saisir sans cesse par Dieu qui se révèle capable, ardent, large dans sa bonté, son désir de nous arracher à la mort. Dieu, ton amour est plus fort que tout. Non pas parce que ce serait des mots mais parce que cet amour est en-deçà même de l’origine de notre vie. Un Dieu qui met loin de nous nos péchés, qui établit en nous-mêmes la capacité de distinguer entre ce que dont nous sommes capables, et hélas les failles et les erreurs de notre vie, et les péchés.  Voilà ce que nous chantons lorsque nous chantons ces psaumes de louange : Bénis le Seigneur, ô mon âme ! Saisis par plus grand que nous, et conduits au fond de nous par le plus vrai de nous, que tout ce que nous pourrions imaginer. Ce plus vrai,  c’est : et la première lecture, et l’Évangile.

Le plus vrai, c’est que l’homme est capable de diviser ce que Dieu unit, mais qu’il est aussi appelé à exercer sa capacité de dire OUI si c’est oui, et Non si c’est non. Sœurs, frères, nous vivons une période où il semble que plus personne ne sache ce que veut dire : oui, et ce que veut dire : non. Ce que veut dire : vrai et ce que veut dire : faux. Ce que veut dire : je suis là et ce que veut dire : je semble être là mais je suis ailleurs.

La guerre est le fruit de cette indécision entre le oui et le non, entre le vrai et le faux, entre la confiance et la méfiance. Et ce qui aujourd’hui doit nous faire souffrir, ça n’est pas tellement seulement les erreurs diplomatiques ou les failles de stratégie, ou les mesures de puissance, c’est que, comme d’habitude, comme souvent en tout cas, ceux qui vont se battre sont tous, beaucoup, fils de Dieu, et beaucoup d’entre eux, membres des églises chrétiennes et qu’une fois encore c’est l’Église qui va se battre contre l’Église au milieu des armées qui se battront. Les Églises peuvent être tentées de tenir des discours stratégiques entre le oui et le non.

Mais « bénis le Seigneur, ô mon âme !» Il est plus grand que nos péchés et il rachète notre vie à la mort. C’est ce Dieu là que nous prions.

Vendredi 25 février 2022

7ème semaine per annum – année paire

Frère Bruno CADORE

Jc. 5, 9-12 ; Mc. 10, 1-12