homélie pour le 15 août, frère Benoît VANDEPUTTE, OP

 

Un frère de la province de France, théologien, se posait dans son jeune temps, la question de la vie religieuse. Où entrer ?

Comme il n’avait aucune culture de ces choses-là, les ordres religieux, il frappa à toutes les portes pour se faire une idée.et voilà que chez un ordre cousin, le frère qui l’accueillit lui posa comme question essentielle : « Quels sont vos rapports avec votre mère ? ».

Il choisit de rentrer chez les dominicains !

Où il aima la manière que nous avons de vivre avec la Sainte Vierge.

On pourrait la résumer avec cette belle remarque du Père Carré : Nous vivons dans l’air, a.i.r. de la Vierge Marie.

Mais qu’est-ce à dire ? Ceci : deux questions :

* est-elle  notre mère ?

* et puis, d’abord : Dieu avait-Il besoin d’une mère ?

Répondre à la première nous aide à nous situer -et à la situer- d’une manière juste.

Répondre à la seconde nous aide à ne pas en faire une divinité accessoire à la Sainte Trinité.

*Est-elle notre mère ?

A cette question, pour le frère Jean Préguant, archéologue et bibliste d’origine juive répondait avec un peu de flamme et d’agacement : Une mère, j’en ai déjà une, et cela suffit comme ça ! Et il ajoutait : Elle est Mère de Dieu – un titre magnifique –  et c’est déjà beaucoup !

Mère de Dieu, donc. C’est en effet ainsi que le Concile d’Éphèse la nomme en l’an 431 de notre ère.

Marie était déjà vénérée et un théologien proposait de la reconnaître comme « Mère du Christ ». Mais…

Cela semblait minorer la nature divine de Jésus.

Mère de Dieu, donc. La formulation restait et demeure vertigineuse !

En effet, dans son éternité, Dieu n’a pas besoin d’une origine, lui qui est origine de toute chose !

La solution  vint de cette formulation lumineuse : Mère de Dieu selon l’humanité.

De Marie, Jésus tint sa chair.

Pour que nous puissions Le rejoindre, c’est LUI qui nous a rejoints.

« Seigneur, mon Dieu, tu es immense »  écrit saint Augustin.

Et comment embrasser toute l’immensité ?

En Marie, ce sont les extrêmes opposés qui se rencontrent

* Elle est infiniment touchante parce qu’elle est infiniment touchée, écrit finement Sylvie Barnay, une théologienne et historienne de l’Art.

Elle est infiniment proche parce qu’Il est infiniment grand, infiniment humaine, parce qu’Il est infiniment divin.

Dès lors, comment s’étonner que dès les origines, la foi des croyants tint que celle qui avait porté l’Incorruptible (corps de Jésus) ressuscité ne pouvait connaître la crruption de la tombe…

Assumpta est peut être traduit par assumée par…

Dans la solennité de l’Assomption, Dieu assume le corps de Marie, comme Marie assuma le Corps de Jésus.

Concluons par ce beau poème d’une femme au nom prédestinée : Marie-Noël !

Aussi grande croyante qu’elle était peu proche des appareils de l’Église.

Car comme pour tous les grands mystères de notre foi, la poésie n’est pas le plus mauvais des outils pour dire ces choses-là.

Mon Dieu, qui dormez, faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon cœur qui bat,
J’adore en mes mains et berce étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.

De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état,
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.

Que rendrais-je à vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? ô Dieu, je souris tout bas
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J’avais une grâce et vous l’ai donnée.

De bouche, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De main, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encore gênée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De chair, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

De mort, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… O douleur ! là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noir, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donné