Homélie du 8 juillet 2018, frère Sylvain DETOC

Le Dieu qui choque

Et vous, frères et sœurs, est-ce que Jésus vous choque ? Êtes-vous « choqués », comme les habitants de Nazareth ? N’avez-vous pas remarqué que, en Jésus, Dieu semble se faire une joie de choquer tout le monde ?

  • Il choque le philosophe et le « raisonneur de ce monde » (1 Co 1, 20) en se laissant coucher dans la mangeoire des animaux, à Noël ; en se laissant clouer sur la Croix des esclaves, à Pâques.
  • Il choque l’homme en bonne santé en entrant en contact avec des lépreux, avec des personnes impures, comme l’hémorroïsse de la semaine dernière, avec toutes sortes de malades, d’estropiés, de grabataires, sans doute peu présentables…
  • Il choque le bien-pensant en mangeant avec des gens peu fréquentables, comme les collecteurs d’impôts, et en se laissant laver les pieds par une prostituée. Et il en rajoute, en annonçant que les prostituées et les publicains nous précéderont dans le Royaume des Cieux !
  • Il choque l’homme religieux de l’époque en donnant sa chair à manger et son sang à boire, ce qui est bien difficile à admettre pour un Juif pieux (cf. Jn 6, 67).
  • Il choque même le chrétien en fondant son Église sur la foi d’un lâche qui l’a renié, Pierre, et sur la prédication d’un ex-fanatique, Paul, qui voulait exterminer les premiers fidèles !

Pour tous ces motifs, oui, on a raison d’être choqué. Mais c’est un choc salutaire. Dieu veut nous faire réagir en produisant en nous comme un « électrochoc » : il veut que nous réalisions deux choses au moins :

  • Il veut que nous comprenions à quel point Dieu dépasse la mesure de notre imagination et de nos raisonnements humains… trop humains. Dieu n’est pas à hauteur d’homme. Il ne se laisse pas ramener dans nos catégories mentales. C’est l’homme qui est fait à l’image de Dieu, pas Dieu à l’image de l’homme…
  • Il veut que nous comprenions à quel point l’humanité, telle qu’elle est aujourd’hui, malgré ses misères, ses péchés, est aimée de Dieu ; à quel point c’est vrai ; à quel point, donc, notre vie doit changer pour accueillir cette bonne nouvelle et la faire fructifier.

Mais qu’y a-t-il de choquant, en revanche, dans le fait de faire le bien ? d’enseigner ceux qui ont soif de Dieu ? de soulager ceux qui ont mal ?

Les textes d’aujourd’hui nous mettent devant un mystère particulièrement opaque. « Le cœur de l’homme est malade », dit le prophète Jérémie (17, 9). Cette maladie, Jésus l’a nommée ailleurs dans l’évangile : « votre dureté de cœur » (cf. Mt 19, 8). Les prophètes, comme Ezéchiel (cf. 1ère lecture), n’ont cessé de dénoncer cette dureté : « Ils ont le visage dur, et le cœur obstiné ». Cela n’a rien à voir avec la faiblesse de l’homme, celle dont témoigne Paul dans la 2e lecture. Les fautes de faiblesse jalonnent toute notre vie, mais elles ne nous empêchent pas d’avancer et de nous tourner vers Dieu. Elles peuvent même nous aider à être plus humbles. Avec la « dureté du cœur », au contraire, impossible d’avancer : il s’agit d’une posture intérieure, d’une attitude fermée a priori à l’amour et à la miséricorde, un peu comme une personne qui refuserait d’ouvrir les yeux à la lumière, parce qu’elle préfère ses ténèbres intérieures.

C’est cette dureté qui explique que les habitants de Nazareth soient choqués à la vue des œuvres de Jésus. Eux qui devraient se réjouir qu’un tel don ait été fait aux hommes, eux qui devraient s’honorer que ce don sorte de leur village, ils se sont rendus incapables de joie, de foi, de communion ; incapables, donc, de recevoir les dons de Dieu que Jésus a faits largement dans les autres villes où il est passé.

Demandons au Seigneur de nous préserver de cette attitude, comme nous y invite la prière liturgique de ce 14e dimanche du Temps ordinaire : Seigneur, « donne à tes fidèles une joie sainte : tu les as tirés de l’esclavage du péché ; fais-leur connaître le bonheur impérissable. »

Ez. 2, 2-5

2 Cor 12, 7-10

Marc 6, 1-6