Homélie du 3e dimanche de carême, année A, frère Antoine Tingba, OP

La soif et don de Dieu !

 

Jésus crie sa soif : Donne-moi à boire.  La première lecture de ce jour nous parle de la soif du peuple dans le désert, alors qu’il vient de quitter l’Egypte, le pays de l’esclavage.

Il y a aussi la soif de la femme samaritaine, laquelle traduit notre soif à nous.

Nous ne pouvons taire la soif de nombreux chrétiens en ce dimanche, après l’annonce faite pas plus tard qu’hier par le premier ministre, dans le cadre des mesures de prévention contre l’épidémie du coronavirus : les lieux de culte resteront ouverts mais les cérémonies sont suspendues.

Il y a en nous une grande soif, la soif des hommes de notre temps. Les hommes et les femmes de notre temps ont des attentes profondes. Lesquelles transparaissent parfois à l’occasion des évènements douloureux.  Fatigués, nous sommes, de n’entendre dans les médias que des récits de difficultés que traverse tel ou tel autre pays, des revendications populaires en passant par les gilets jaunes, des attentats terroristes, des épidémies, et aujourd’hui la pandémie.

Seul Jésus nous mène près de la source.

Avant d’étancher notre soif, le Seigneur nous fait prendre conscience d’abord de ce désert que nous trimbalons avec nous, comme un vieux sac à dos usé. Et pourtant toujours plein et lourd. Ce n’est pas un désert des sables.  C’est un désert de manque d’amour, d’aridité, dû à notre individualisme, notre égoïsme. Le repli sur soi. Notre refus de rencontrer l’autre en vérité. Le puits, le fossé que nous arrivons à creuser entre nous et Dieu.

Aujourd’hui, le Seigneur tourne nos regards sur la manière dont il fait surgir la soif de la femme samaritaine.  Comment sa parole va traverser les protections que cette femme s’est bâties.  Protections qui cachent tous ses maux, ses amours ratés, ses faux semblants. Mais devant ses échecs, se dresse comme un poteau en acier, la soif de réussir.

Jésus surprend. L’heure est inhabituelle ; le rendez-vous est plus qu’improbable. Mais l’heure est au dialogue. C’est le dialogue que Jésus engage avec la samaritaine qui permet à cette femme de faire voler en éclat le bouclier de ses prétendues protections.

Il faut que l’eau de la source qu’est Jésus pénètre et irrigue les lieux imperméables de notre cœur pour que remonte à la surface ce qui est caché en nous.

Mais pour que jaillisse en nous la source de la vraie vie, sans doute, faut-il un long chemin de dialogue, d’échange avec le Christ, afin que s’ouvrent des brèches qui libèrent notre cœur. Et que ce même cœur devienne porte ouverte pour une rencontre d’une parole vivante.

Longue marche qui permet dans l’échange de faire la lumière en soi.  Longue marche amenant une libération de ce qui pèse trop lourd.

Si tu savais le don de Dieu, dis Jésus, près du puits ! Le puits de la samaritaine. Un puits, un lieu de rencontre. Mais aussi un lieu où on peut s’arrêter pour causer.  Ce lieu propice pour faire tomber toutes les barrières que nous avons érigés à l’intérieur tout comme à l’extérieur de nous.

Le don de Dieu ! Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

De l’eau que Dieu nous donne.

Peut-être que pour répondre au Seigneur, nous n’avons pas la spontanéité de la samaritaine qui demande aussitôt, donne-moi toujours de cette eau.

Je suis obligé de m’interroger, est-ce que j’ai vraiment soif ? Et de quoi ?

Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait.

Le Seigneur vient nous proposer aujourd’hui encore de faire jaillir en nous une source qui nous désaltèrera pour toujours. Laissons-nous entrainer par la certitude apaisante de sa présence et de son regard sur nous qui jamais ne nous juge ou ne nous méprise, mais qui sans cesse nous encourage à aller de l’avant.

Jésus est celui qui donne l’eau vive. Notre joie chrétienne jaillit de la source de son cœur débordant.

Face à nos soifs, petites, ordinaires, le Seigneur évoque sa soif à lui, soif de répondre à la volonté de son Père, soif d’aimer jusqu’à la mort, soif de nous entrainer avec lui au royaume de son Père, pour vivre la vie éternelle de ceux qui n’auront plus jamais soif.

3ème de carême – année A

Frère Antoine TINGBA

Ex. 17.3-7 ; Rm. 5, 1-2. 5-8 ; Jn. 4, 5-42

Dimanche 15 mars 2018