homélie du 12e dimanche du TO, frère Eric de Clermont-Tonnerre, OP

 

Pas vraiment très agréables, les textes de ce jour. Non, pas vraiment. Il y règne la peur.

Peur de Jérémie devant les foules et les amis qui le calomnient et veulent se le payer ! Il se confie en Dieu : Le Seigneur est  avec moi tel un guerrier redoutable… c’est  à Toi, Seigneur, que j’ai remis ma cause…Ne craignez pas…ne craignez pas…Soyez sans crainte, répète l’Evangile.

La peur est un sentiment commun, fréquent qui saisit l’homme à tout moment, devant un danger réel, présumé ou imaginaire. Elle nous habite les uns et les autres à certains moments de notre vie.

Elle est là, tapie, pointant son nez en certaines occasions, ou bien lancinante. Elle surgit et nous paralyse devant certains évènements ou certaines mauvaises nouvelles. Elle est vive devant la méchanceté, la haine, la violence, sournoise dans les épreuves ou les menaces ; parfois elle se noue à telle ou telle existence sous forme d’angoisse.

Et la foi en Dieu ne semble pas vraiment un  remède contre la peur. Il est gentil, Jésus, de nous dire : N’ayez pas peur, alors que plusieurs fois dans l’évangile, il déclare à ses disciples que c’est bien à cause de lui que nous pourrons être maltraités, calomniés, persécutés.

Curieusement les liturgies de la Sainte Eglise ont mis de côté les versets qui précèdent, où Jésus affirme : S’ils ont traité de Beelzéboul le maître de maison, ce sera bien pire pour les gens de sa maison.

Loin de nous aider facilement à calmer nos peurs, ils se pourrait que la foi au Christ nous expose à de nouvelles peurs.

Toutefois, c’est bien une triple invitation à ne pas avoir peurque l’Evangile de ce dimanche nous adresse :

Ne craignez pas les hommes…

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pour tuer l’âme

Soyez sans crainte, vous avez une très grande valeur

Ces trois appels à ne pas avoir peur nous rappellent qu’une vie chrétienne forte dans l’adversité s’établit sur trois fondements que le Sermon  sur la montagne, dans le même évangile avait déjà présentés :

– tout d’abord, la justice de Dieu (ou son jugement) qui n’est pas comparable à la justice de l’homme. Cette justice est évoquée par l’expression : rien n’est voilé qui ne sera dévoilé.

On peut en effet  calomnier Jésus comme on a calomnié Jérémie, on peut mentir à son  sujet ou au sujet de ses disciples, ceux-ci peuvent mettre leur confiance  dans la justice de Dieu. Nous savons que la vérité triomphera et qu’elle sera proclamée, dite.

Ce qui est vrai et juste est le fondement de notre confiance, de notre foi.

Le deuxième fondement d’une vie chrétienne solide dans l’adversité, c’est la puissance de Dieu, la puissance de la vie qui se déploie dans la faiblesse, qui se manifeste y compris dans la mort et au-delà de la mort : ne craignez pas ceux qui tuent le corps ; ils ne peuvent détruire ce qui fait l’identité, la force de vie de chacun.

Cette puissance de la vie, du Dieu des vivants et des morts est le fondement de notre espérance.

Le troisième fondement d’une vie chrétienne solide, c’est l’amour de Dieu qui s’exprime dans l’émerveillement que l’on éprouve à l’égard de ceux que l’on aime, dans cette bienveillante et amoureuse attention  envers la vie dans sa beauté et sa fragilité : notre Dieu s’intéresse aux moineaux dans le ciel et au moindre détail de votre chevelure, non comme un surveillant pour punir, mais comme quelqu’un qui aime et qui veille, pour protéger, pour accompagner, pour faire vivre.

Cet amour bienveillant de Dieu est le fondement de notre charité, de notre amour.

La justice de Dieu fortifie notre foi,

la puissance de Dieu fortifie notre espérance,

l’amour de Dieu fortifie notre charité

Ne craignez donc pas…

Pourtant, il y a bien  une chose qu’il faut craindre. Laquelle ?

Quelle peur peut nous habiter, devrait nous habiter pour remplacer les autres peurs : la peur que le Christ ne nous reconnaisse pas au jour de son retour.

Vous vous rappelez les protestations entendues ailleurs dans l’évangile de Matthieu : nous avons prophétisé, chassé les démons en ton Nom, plus simple encore : nous avons écouté tes enseignements sur les places, nous avons mangé et bu avec toi.

Et la réponse cinglante : Je ne vous connais pas.

Nous pouvons renier le Christ de trois manières :

par nos lèvres, nos paroles,

par nos actes, nos comportements,

par notre silence, notre lâcheté.

Chacun, chacune d’entre nous, je pense, j’espère, ne se trouve dans une situation  grave de reniement du Christ.

Mais nous le serons, notre Eglise a du mal à montrer un visage fidèle à l’Evangile, à témoigner de comportements fidèles à l’évangile.

C’est pour elle

et donc pour nous que nous prions en ce dimanche.

Dimanche 21 juin 2020

12ème du temps per annum – année A

Frère Éric de CLERMONT-TONNERRE

Jr. 20, 10-13 ; Rm. 5, 12-15 ; Mt. 10, 26-33