homélie du 1er dimanche de l’Avent, année B, frère Bruno Cadore, op

« Ah si tu déchirais les cieux ! » Voilà le chant qui nous introduit à ce temps de l’Avent

Si tu déchirais les cieux, c’est un chant d’actualité au moment où ici et là, nous traversons des moments de morosité, d’isolement, de découragement, pas facile de voir le temps se dérouler sans qu’on en voit exactement la route, la figure, l’étape, l’aboutissement… Mais c’est aussi un chant qui nous rappelle le temps de nos propres existences, un peu toujours, chacun à notre manière, car  dans nos propres existences, nous traversons nous aussi pas seulement à cause d’une épidémie, pas seulement à cause des difficultés sociales mais à cause de notre vie tout simplement, nous traversons des moments de morosité, de doute, d’amertume, de découragement, de fatigue, et puis, plus encore en ce temps, notre temps contemporain, nous devons découvrir avec d’autres quelle est leur attente, quelle est leur espérance.. il faut non pas seulement rejoindre les autres pour leur dire ce qu’est l’espérance mais il nous faut rencontrer d’autres pour nous laisser bouleverser par leurs attentes.

Au fond, au cœur de ces attentes, il en est une qui doit, pendant tout ce temps de l’Avent, nous mobiliser, nous animer, nous vivifier : c’est l’attente de cette conviction que notre temps est contemporain du temps de Dieu. « Veillez parce que vous ne savez pas quand Il vient ». Souvent comme croyants, nous interprétons cette parole en nous disant  : il faut veiller parce qu’il faut être prêt à veiller pour aller vers lui, veillez à nous en quelque sorte, et aujourd’hui il nous est demandé d’entrer en Avent pour veiller à Lui, à sa venue à Lui, à sa présence à Lui. Il nous faut nous disposer à laisser l’Esprit travailler au cœur de nos vies, nos existences pour que notre vie soit en attente, en attente de Lui.

L’Écriture aujourd’hui nous propose quelques mots qui pourraient jalonner notre temps. Je voudrais ce matin simplement vous rappeler ces mots et vous laisser les recueillir, les accueillir, les laisser travailler en vos vies, en vos cœurs. L’Écriture toujours nous donne des mots pour nous, pour que nous laissions l’Esprit à partir de ces mots, les faire résonner en nous.

Le premier mot de la première lecture c’est un mot habituel, nous le connaissons bien, c’est le mot Père. De Dieu nous savons beaucoup de choses, Il est le créateur de toutes choses, II est grand, immensément, Il est lointain, Il est proche, Il est là-haut, Il est avec nous… Nous savons beaucoup de choses mais il nous faut aujourd’hui encore, bien que nous le prions comme cela tous les jours, et plusieurs fois par jour, il nous faut encore aujourd’hui laisser résonner ce mot que la première lecture nous a  rappelé : « oui, tu es Dieu, tu es grand, tu es créateur… mais tu es Père ».  Père de toutes choses et de chacun, Père… Notre Père et notre Rédempteur, tu es le Père qui nous protège, tu es le Père qui veille sur nous. Père… celui qui toujours attend de son enfant qu’il développe toute la capacité qu’il a, Non pas seulement parce que c’est une capacité qui vient du Père mais parce c’est une capacité du fils, de la fille, devant laquelle le Père veut s’étonner, de laquelle le Père peut prendre soin.

Capacité que le Père veut promouvoir. Tu es ce père-là et c’est ce Père que pendant le temps d’Avent nous voudrions reconnaître. C’est sous le regard de ce père que pendant le temps d’Avent nous voudrions apprendre à veiller. Père.

Un père qui nous dit le Psaume est aussi un vigneron -chaque fois que j’entends cette parole mes sœurs, j’entends cet accent chantant du frère Jean-René Bouchet, Op, qui aimait, après Complies, toujours prendre cette prière : « Veille sur cette maison, Seigneur ».  Un vigneron veille sur cette vigne. Un vigneron c’est quelqu’un qui a un gros travail, peut-être l’un ou l’autre parmi vous est vigneron… Un vigneron c’est quelqu’un qui a un gros travail, un travail de tous les jours, un travail compliqué parce qu’il est difficile de veiller sur la vigne. Il est difficile de savoir tailler, retailler, quand le faire. Il est difficile de se tenir patiemment à émonder la vigne en l’espérant, alors qu’on sait que la moindre difficulté climatique peut mettre tous les efforts à bas, pour une année. Pourtant pour tailler la vigne il faut l’espérer en toute confiance.

Ce Père que nous allons apprendre pendant l’Avent à reconnaître, à attendre. Ce Père est le vigneron et vous êtes la vigne, nous dit Jésus. Autrement dit, le Père vigneron sait que la vigne que nous sommes porte du fruit. Alors oui, il faut veiller à ce que le Père nous laisse découvrir, le fruit qui est dans la vigne.

Et c’est le troisième mot que je vous propose de recueillir, potier. Dieu est celui qui nous façonne.  Ce Potier devant lequel l’enfant s’étonne : mais comment savait-il que dans la pierre il y avait le visage qu’Il a sculpté ? C’est la question qu’il nous faut nous poser devant le Père qui est notre potier.

Comment sait-il, Lui, qu’il y a en nous, dans cette vigne ce fruit qu’il espère ? Comment avons-nous veillé à le laisser travailler comme un potier travaille la terre ? Il ne projette pas seulement son idée sur la pierre, il travaille la pierre et c’est comme s’il découvrait petit à petit, ce que finalement il va créer. Il travaille le bois et c’est comme s’il découvrait petit à petit que ce nœud-là, il va en faire un point d’appui, cette faille il va en tirer de la beauté, cette fragilité il va en faire quelque chose de solide. Fragilité, faille, nœud, blocage… tout cela nous le connaissons bien dans nos vies, voilà que le potier, le père, le vigneron confiant… Voilà que le potier va se mettre à travailler tout cela parce qu’il sait, lui, ce qu’il va pouvoir créer à partir de qui nous sommes, à partir de qui il voudrait que nous soyons, à partir de qui nous sommes, donnés à nous-mêmes par Lui.

Puis, il y a un quatrième mot pour éviter que nous nous centrions sur nous-mêmes…   Il est berger. Et le propre des brebis c’est qu’elles appartiennent à un troupeau, à un groupe. Elles sont brebis avec d’autres brebis ;  et qu’il n’est aucune brebis qui vaille plus qu’une autre. Aucune brebis qui pourrait être assurée qu’elle mérite du berger plus d’attention, qu’une autre.   Aucune brebis non plus qui oublierait qui si elle se faisait mal, si elle souffre, si elle voulait se cacher, Lui viendra. Mais elle la brebis, vous ou moi, il nous faut veiller à ne jamais oublier que nous sommes un, une dans le troupeau. C’est comme ça que j’ai commencé notre célébration : ne jamais oublier que la vie, les attentes, les espoirs de cœur, de celles et ceux qui sont là même s’ils ne sont pas assis à côté de vous. Berger d’un troupeau.

Voilà frères et sœurs,  ce que peut-être notre temps d’Avent : Veillez !

Veillez parce que le Père vient, il est contemporain de nos existences.

Veillez parce qu’il sait le fruit qu’il vous a donné de pouvoir donner.

Veillez, parce que son Esprit sans cesse vous façonne et de ce qui vous écrase, vous décourage, parfois.

Veillez à ne pas bloquer ses mains, son amour, sa présence qui transforment tout ça en pis vous êtes et devenez .

Veillez encore plus avec ce Dieu qui se fait votre familier pour ne pas oublier que lui, le Berger s’approche de vous pour, avec vous s’approcher du monde.

Veillez frères et sœurs, il vient, et avec Lui nous allons au monde.

1er Dimanche de l’Avent    Isaïe 63 – 1 Co 1 – Marc 13, 33-37                               op

29 novembre 2020