homélie du 2e dimanche ordinaire, frère Sébastien PERDRIX, OP

 

Comment devient-on disciples de Jésus-Christ ?

C’est simple, me direz-vous : il suffit de répondre à l’appel du Christ ! Difficile d’objecter à cette réponse, d’autant qu’elle peut prétendre s’appuyer sur les récits évangéliques de vocation. Cette semaine, nous avons entendu par moins de deux récités de vocation : tout d’abord, l’appel de quatre pêcheurs au bord du lac de Galilée ; puis celui de Lévi à son bureau de collecteur d’impôt. A chaque fois, c’est le même scénario qui se déroule. Jésus passe et il aperçoit un ou des hommes qu’il appelle à le suivre, sans plus d’explication. A l’appel du Christ, ces hommes s’exécutent sans broncher ! « Laissant aussitôt leur filet, ils le suivirent » ; « Il lui dit : suis-moi ! Il se leva et le suivit ». C’est beau !  Cela claque comme des talons de bottes à l’ordre d’un général !

Il y a quelque chose d’enthousiasmant dans ces récits. Il est difficile de ne pas être séduit par la promptitude de la réponse des premiers disciples. Mais notre expérience de la suite du Christ contraste aussi cruellement avec ce que décrivent les évangiles. J’aurais aimé faire preuve de la même célérité pour répondre à l’appel du Christ. J’aurais surtout aimé avoir entendu l’appel du Christ aussi directement que Lévi, Jacques ou Jean. Pour moi, comme pour vous sans doute, pas de Jésus qui nous regarde et pas de Jésus qui nous appelle directement !

Voilà que saint Jean nous propose un tout autre récit. Il y est question de trois hommes qui vont se mettre à suivre Jésus. Techniquement, ce sont donc des disciples. Mais, contrairement aux autres récits évangéliques, il n’est pas vraiment question d’appel pour ces disciples.

André et un autre homme sont disciples de Jean-Baptiste. Et s’ils vont se mettre à suivre Jésus, ce n’est pas parce qu’il les aurait appelés personnellement mais c’est parce que Jean-Baptiste l’a désigné comme « l’Agneau de Dieu ». Jésus ne semble pas s’intéresser à eux. « Il allait et venait » à proximité du groupe formé par Jean-Baptiste et ses disciples. Et ce n’est que lorsqu’il se sait suivi par deux hommes qu’il se retourne et leur adresse enfin la parole : « Que cherchez-vous ? ». Drôle d’entrée en matière ! Loin d’être un appel à le suivre, cela ressemble plutôt à une invitation à aller voir ailleurs ! « Rabbi, où demeures-tu ? ». « Venez et vous verrez ». Pas décontenancé par cette réponse pour le moins évasive, ils le suivent.

Voilà, me semble t’il un récit qui peut-être nous parle davantage. Si nous sommes devenus chrétiens, c’est-à-dire disciple de Jésus, c’est bien souvent par la médiation d’un « ami du Christ ». Nous avons un jour croisé ou fréquenté « un Jean-Baptiste » qui nous a désigné Jésus. Par sa parole convaincante ou le témoignage discret de sa vie de foi, il nous a ouvert les yeux sur celui qui n’était pas loin de nous, sur celui qui marchait juste à nos côtés, assez prêt pour se faire reconnaître, mais à bonne distance pour ne pas s’imposer. Et grâce à « cet ami du Christ », nous avons pu reconnaître celui que nous cherchions de tout notre désir. Si nous ne cherchions pas Dieu, il nous aurait été en effet impossible de le reconnaître en Jésus. Nul ne trouve ce qu’il ne cherche pas. C’est-là, le sens de la question de Jésus à André et à l’autre disciple : « Que cherchez-vous ? ». « L’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Jean l’a vu et en témoigne. « Nous avons entendu sa parole et nous savons que c’est toi que nous cherchions ».

La parole de Jean-Baptiste a été pour eux la médiation nécessaire pour trouver et reconnaître celui qu’il cherchait. L’appel du Christ passe ainsi par d’autres hommes, par des témoins crédibles, par son Église. Ce pourrait être un bel exercice d’action de grâce que de faire mémoire de ces personnes dont le témoignage a été décisif su notre chemin de foi, comme autant de « Jean-Baptiste ». Mais pour que leur témoignage soit entendu, il a fallu une condition préalable : chercher Dieu. Nul n’a le droit de se plaindre à Dieu de ne pas l’avoir appelé, s’il ne le cherche pas de tout son désir. Jésus passe dans nos vies. Il va et il vient. Et il se laisse voir à qui veut bien le trouver ; encore faut-il le chercher ! Pour l’homme sans désir de Dieu, Jésus restera cet anonyme, si proche, mais qu’il ne remarquera pas. Oui ! Dieu se manifeste à tous en Jésus-Christ, et pas seulement à ceux qui auront à remplir une mission extraordinaire comme André, Pierre et les autres apôtres.

Savez-vous comme s’appelait le disciple qui était avec André et qui a suivi Jésus ? La colle ! … A vrai dire, nul ne le sait ! Il est la figure de tous ces hommes et femmes qui ont cherché Dieu et l’ont suivi. C’est peut-être vous ! C’est peut-être moi !

 

1 S 3, 3b-10.19

1 Co 6, 13c-15a. 17-20

Jn 1, 35-42