Homélie du dimanche 22 octobre par le Frère Ghislain-Marie GRANGE

La question est bien un piège redoutable. Faut-il payer l’impôt à César ? On sait qu’au temps de Jésus, la question est explosive. Si Jésus répond oui, il sera accusé de complicité avec le pouvoir romain, donc un mauvais juif. Si Jésus répond non, il sera accusé de fomenter la révolte contre César. La question est donc un piège pour tout juif, mais plus encore pour Jésus.

Car son histoire avec le pouvoir civil n’est pas exempte de difficultés. Déjà, sa naissance «était restée en travers de la gorge du roi Hérode, au point qu’il  a fait massacrer tous les enfants de moins de deux ans dans la région. Et l’on sait que plus tard, Ponce Pilate le laissera condamner pour ne pas risquer de se faire mal voir de l’empereur. Son groupe de douze apôtres est plus que modeste, mais le pouvoir civil se sent menacé.

Comment Jésus se sort-il  de cette impasse ? On bon juif, il répond par une autre question : Cette effigie  et cette inscription, de qui sont-elles ? De César. Et s’ensuite la conclusion qui pourrait paraître simpliste mais qui n’en est pas moins instructive : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.

Car, aujourd’hui, est-ce que la même question ne nous est pas posée ? Nous sommes toujours face au même dilemme. D’un côté, saint Paul nous enjoint d’obéir aux autorités constituées De l’autre saint Pierre dit dans les Actes des Apôtres : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act. 5, 29). Quand obéir à l’autorité civile et quand obéir à Dieu ? Les exemples de tels dilemmes ne datent pas d’hier et nous en trouvons quantité d’exemples dans notre société qui se déchristianise.

La réponse semble simpliste : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.  Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, c’est pratiquer la justice dans notre quotidien. Ne pas chercher à gruger par ci, par là, mais rendre à chacun ce que nous lui devons, généreusement. Mais rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est tout autre chose. Car Dieu ne nous procure pas seulement du pain et de petits services mais il est à l’origine de toute notre vie, de tout ce que nous avons. Pour le pain quotidien, nous le recevons du boulanger et ultimement de Dieu. Mais toute  notre existence, ce que nous sommes, nous le recevons uniquement de Dieu. Ce qui vient de Dieu et ce que nous devons rendre à Dieu, c’est nous-mêmes. L’image de Dieu est de nature différente de l’image de César. L’image de César, c’est une pièce. L’image de Dieu, c’est nous-mêmes. Rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est donc s’offrir soi-même en offrande spirituelle.. Payer l’impôt est un acte assez simple. Autrefois, il fallait mettre une pièce dans un panier ; aujourd’hui il y a des méthodes plus modernes. Mais s’offrir soi-même est bien plus compliqué ; c’est l’œuvre de toute une vie par la prière, par la fréquentation  des sacrements. C’est finalement imiter l’œuvre du Christ qui, certes a payé l’impôt à César, mais s’est offert à son Père en s’offrant pour le salut du monde.

Et le pouvoir civil pense parfois qu’il peut tout exiger de la personne humaine. Cela a été le cas des idéologies du 20ème siècle, le communisme et le nazisme. Le bien de l’Etat, le bien de la communauté humaine dans son ensemble pouvait exiger que la personne sacrifie son existence. Qu’elle renonce au bien que lui dictait sa conscience pour la supériorité d’un peuple ou l’avènement d’une société parfaitement utopique. César demandait ce qui était de Dieu et devait retourner à Dieu. Parfois les sociétés modernes ne sont pas exemptes de ce défaut quand elles mettent en danger les choix de conscience face à la protection des plus faibles..

La phrase de Jésus, qui semble une réponse de circonstance, nous invite donc à un double examen de conscience. Rendons-nous à César ce qui est à César ce qui est à César en prenant notre place dans la société, dans notre famille, avec nos proches ? Et surtout, rendons-nous à Dieu ce qui est à Dieu en offrant toute notre vie à Celui qui en est le Créateur ? En ne bous laissant pas détourner par les paillettes qui ont toutes sortes de belles couleurs mais sont totalement inconsistantes, en adorant pas les idoles qui prennent de nouvelles formes. Nous ne sommes bien sûr, jamais totalement à la hauteur, mais le Christ nous montre le chemin et nous en donne la force en nous nourrissant de son Eucharistie.

 

29ème du temps per annum – Année A

Frère Ghislain-Marie GRANGE

Is. 45, 1. 4-6 ; 1 Th. 1, 1-5b ; Mt. 22, 15-21