Saint Jean l’évangéliste, homélie du frère Julien WATO, op

Après saint Étienne, premier martyr, l’octave de Noël nous invite à faire mémoire de saint Jean, « le disciple que Jésus aimait » et qui « s’est penché sur sa poitrine pendant le repas » le soir du jeudi saint.
Jean est le chantre de l’incarnation. Certes, il ne propose pas de récit de l’enfance de Jésus, mais son Prologue nous invite à contempler le mystère du Verbe incarné à la lumière de la compassion divine qui a présidé à sa venue : « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce pour grâce. Car la Loi fut donnée par l’intermédiaire de Moïse ; la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus-Christ » (Jn 1,12.17). C’est par amour que le Créateur s’est uni à sa créature ; que Dieu s’est fait homme, afin de lui donner part à sa propre Vie. « Oui, la Vie s’est manifestée, nous l’avons contemplée, et nous portons témoignage : nous vous annonçons cette vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous » (1ère lect.). Il fallait en effet que la Vie divine s’incarnât dans une chair semblable à la nôtre pour que les esprits incarnés que nous sommes puissent « l’entendre, la contempler de nos yeux, la voir, la toucher de nos mains ».
Le passage de l’Évangile d’aujourd’hui nous aide à contempler Noël dans la perspective de la Résurrection du Seigneur. Jean, en effet, arrivé au sépulcre vide, « vit et crut » (Jn 20,8).
Alors que dire encore, en cette fête de l’apôtre et l’évangéliste Jean, celui que le Seigneur Jésus aimait ? Peut-être percevoir dans la scène de l’Évangile un appel pour nous à accepter les différences. En effet, il y a celui qui court vite et celui qui va plus lentement, il y a celui qui comprend en un instant et celui qui s’élèvera peu à peu à la signification. Il y a donc la mise en scène des différentes manières d’être, de se comporter, de vivre. Et les différences se respectent, se reconnaissent, se mutualisent. Le plus jeune attend le plus vieux, le plus lent ne s’offusque pas de la grande rapidité de l’autre, le plus aimé obéit à celui qui a été nommé chef, celui qui préside reconnaît la préférence dont jouit l’autre.
Et pourquoi donc accepter, valoriser ces différences entre les personnes comme le font Pierre et Jean ? Parce que notre identité ne se réduit pas à la conscience individuelle que nous en avons, je ne suis pas vraiment moi sans les autres. Mais les autres ne sont pas vraiment eux sans moi. Il y a au-delà de mon propre cheminement, un mouvement commun, communautaire, qu’il importe à chacun de respecter et de servir par l’expression de sa singularité. Ainsi, dans cette scène, l’enjeu fondamental est que le sens véritable de la Résurrection du Seigneur soit perçu par les disciples. Marie-Madeleine enjoint les deux, Pierre et Jean, à déterminer la solution. Dans cette perspective, le cheminement individuel de chacun est au service de tous, il est reconnu et situé. C’est bien ainsi que Jésus a appelé et a éduqué ses apôtres, en les appelant chacun au service de tous par l’offrande pleine de sa singularité.
Il y a là, pour nous, toute une morale pour la manière d’être entre nous, membres de l’Église d’aujourd’hui. Savoir être pleinement soi-même mais parfaitement relié aux autres afin de contribuer ensemble à la constitution du corps ecclésial. C’est ainsi que se vit le Mystère de l’Église à la fois une mais aussi catholique, ce qui veut dire ouverte à la différence, à la recherche de cette unité eschatologique où l’ensemble de l’humanité peut être accueilli. Amen !

Frère Julien WATO

27 décembre 2023
saint Jean l’Evangéliste