homélie pour les obsèques de soeur Myriam, frère Bruno CADORE, OP

 

OBSÈQUES SŒUR MYRIAM ROUSSEU

Sœur Myriam qui a vécu sa vie entre Mauléon, St Palais, Dax…   a eu sa vie jalonnée par la prière de l’Angelus :  « le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous »…  C’est en quelque sorte un écho à cet Évangile, pour annoncer la venue de celui qui aujourd’hui, nous commande de demeurer en son amour.

La vie monastique -si les sœurs me permettent de dire quelque chose de la vie monastique-, la vie monastique est en quelque sorte le lieu de la rencontre de ces deux demeures, de ces deux « demeurer ». L’appel du Christ à demeurer dans son amour, l’appel du Christ qui croit que l’homme, que tout homme, que vous, moi, Sœur Myriam, chacun est capable de demeurer en l’amour de Dieu, en l’amour du Fils au Père et puis cette proclamation que le Christ, Verbe du Père demeure au milieu de nous.  Une communauté monastique, c’est comme un foyer où se révèlent, cette conversation entre l’appel du Christ à demeurer en son amour et la prédication des hommes qui annoncent le Christ qui demeure au milieu de nous.

Et nous cherchons à le vivre le plus pleinement possible, à vivre dans une communauté monastique avec pleinement aussi ce désir de faire se rencontrer ces deux appels, ces deux proclamations.                    Il ne s’agit pas non plus de vivre de désir mais aussi de le laisser rayonner et dans une vie que le rayonnement de ce Christ vivant au milieu de nous, peut être notre joie : Que votre joie soit parfaite ! Que ma joie soit en vous ! Que votre joie soit complète !

Un monastère c’est en quelque sorte un lieu où conversent cet appel du Christ à demeurer en son amour et cette proclamation des humains qui annoncent que le Christ vient demeurer parmi nous. Cette rencontre de l’appel et de la proclamation … c’est prêcher. Au fond un monastère prêche la joie de la demeure de Dieu.

J’ai bien conscience que cela peut sembler paradoxal de prêcher la joie…   Il n’y a jamais de mort qui vienne au bon moment.  Et la mort est toujours une tristesse, toujours une douleur, toujours une séparation :  la mémoire de ce que nous avons vécu, la mémoire de ce que nous avons aimé.   C’est toujours grave, la mort de quelqu’un qu’on aime. Réalité éclairée de l’intérieur, éclairée par cette conviction que la lettre aux Philippiens nous a rappelée. Cette conviction que la puissance de la Résurrection fait la vie, fait que la puissance de la résurrection est pleine, humaine, dans sa vraie destinée.

Et cette conviction, Sœur Myriam l’a transmise à sa famille comme nous l’avons entendu, à ses sœurs, elle l’a transmise aussi à ses compagnes et compagnons de l’EHPAD à travers ce sourire dont nous avons aimé parler. OUI, ça peut être paradoxal de parler de joie au moment de la mort et pourtant c’est dire notre conviction que la vie, le Christ notre vie, a gagné.  Ça peut-être aussi paradoxal de parler de joie alors que nous savons ces longues années que Sœur Myriam a vécu dans la maladie, cette maladie terrible, longue, déboussolante, déstabilisante où l’esprit s’efface.  Nous-mêmes, nous savons qu’elle aime, et nous ne savons plus comment percevoir cet échange d’amour. Où est-elle, celle que nous visitons ? Que pense-t-elle ?  Pense-t-elle quelque chose en ce moment ? Nous reconnaît-elle ?

Bref, Toutes ces questions qui convergent vers la question du ‘pourquoi toute cette souffrance’, d’elle et de ceux et celles qui l’aiment.  Il n’y a pas de réponse à cette question et même en christianisme il convient de s’abstenir je crois, de chercher une réponse à cette question, on ne peut même pas se rassurer en disant que nous savons que Sœur Myriam vivait cette souffrance en communion avec la souffrance du Christ… ce qu’explique Saint Paul. Et pourtant aujourd’hui nous pouvons, et nous devons être forts de la conviction que nous donne la foi. Oh certes, nous ne savons pas quelle était la conscience de Sœur Myriam, de sa propre foi, de sa propre vie, nous ne le savons pas… il était impossible de lui en parler, mais nous savons une chose :  dans cette épreuve, si elle, peinait peut-être à mettre des mots sur ses émotions ressenties, le Christ lui, ne peinait pas à se faire conforme à elle. Et c’est là notre foi, non pas que la souffrance de Sœur Myriam lui ait fait vivre les souffrances du Christ alors que nous n’avons pas pu en parler avec elle… Mais notre foi, c’est que le Christ ressuscité  a vécu en communion avec Sœur Myriam ses propres souffrances et il a porté ses souffrances physiques, il a porté ses souffrances morales, il a porté cet esprit qui s’effaçait, il l’a porté sans dénigrer quoi que ce soit de l’humanité même dans sa fragilité, il l’a portée en sa vie à Lui, Christ, et il ayant demeuré parmi les humains, l’a prise dans ses mains, la vie de tous les humains,  pour la porter auprès du Père et la transfigurer de son Amour.

Alors oui, l’appel du Christ à demeurer dans son amour vaut la peine d’être entendue.  Et il vaut la peine de garder en mémoire, le sourire de Sœur Myriam, un sourire de prêcheur et derrière son sourire la confiance en son Seigneur et son Dieu.

 

 

Philippiens, 3, Jean 15

Jean 15, 9-12

3 octobre 2019