homélie du 29e dimanche du TO, année C, frère Bruno CADORE, OP

Trouvera t’il la foi sur la terre ? Voilà la question de Jésus après avoir invité à prier et prier sans cesse dans la confiance d’être entendu par le Seigneur. Trouvera t’il la foi sur la terre ? Question terrible ! Question terrible que Jésus répond bien avec la prière précisément parce qu’il sait que la foi de l’homme est fragile et parce qu’il voudrait que face à cette fragilité, l’homme, nous tous, nous osions prier et prier sans cesse pour qu’il nous donne, qu’il fasse grandir en nous la foi. J’ai choisi de mettre en lien cette question sur la foi et cette invitation à la prière   guidée par le chemin des textes liturgiques d’aujourd’hui. En effet la liturgie nous propose de cheminer quelque temps avec le peuple hébreu et Moïse au temps de la libération. Il me semble que cette invitation aidera pour nous rappeler que foi et prière sont liées intimement depuis le début de l’histoire du peuple d’Israël et à chaque fois que Moïse doit intervenir et prier c’est en réponse en quelque sorte à une crise de la foi de son peuple sauf que l’on pourrait peut-être l’appeler une maladie de la foi et le peuple hébreu connait au moins trois maladies de la foi : le découragement, doute et la fermeture sur soi. Le découragement parce qu’il est long le chemin de la liberté. Ils étaient esclaves et s’en plaignaient. Voilà que Dieu les libère mais sur le chemin les embûches ne cessent pas et les difficultés humaines dans leur propre cœur, entre eux, dans leur peuple ne cessent pas ; alors ils ont demandé à Moïse : pourquoi nous as-tu fait sortir ? Pourquoi cette liberté est-elle tellement difficile ? Que c’est difficile, frères et sœurs d’être libres ; que c’est difficile d’être surtout libéré par Dieu. La prière c’est cette conversation que nous avons avec Dieu lorsque nous lui demandons de nous rendre libre pour lui ; pas seulement libre pour faire ce que nous ne voulons, pas seulement libre pour accomplir ce que nous pouvons. Bien sûr c’est beau mais libre pour Lui, pour l’accueillir Là ui. Alors quand Moïse voit son peuple découragé, il prie. Il parle à Dieu comme la veuve au juge : est-ce que tu vas laisser ton peuple comme ça ? Est-ce que tu vas le laisser tomber encore ? Est-ce que tu vas revenir aussi ?   Je te prie pour que tu t’adresses à ton peuple. Découragement, prière et foi. Foi dans la présence de Dieu, dans l’histoire du peuple ; foi dans la présence de Dieu dans l’histoire du monde, dans notre histoire. Le peuple d’Israël subit une deuxième maladie de foi sur ce chemin de la liberté : c’est le doute parce qu’ils vont d’embûches à embûches ; ils vont sortir d’Egypte mais ne rien n’avoir à boire ; marcher avec un peu d’eau mais n’avoir rien avoir à manger ; avancer mais devoir se défendre contre les ennemis. Bref ! Dieu est-il avec nous oui ou non ? Voilà la question du peuple. C’est bien souvent la nôtre devant ce qui nous arrive, ce qui arrive au monde. Dieu est-il avec nous oui ou non ? Veut-il marcher sur notre chemin oui ou non ? Alors Moïse prie et prie encore : « Seigneur, donne à ton peuple la confiance en ta présence ; donne-lui de s’en remettre en tes mains ; donne-lui de trouver son secours, comme nous l’avons chanté, dans tes mains. Et puis il y a le troisième découragement et c’est celui du texte d’aujourd’hui des Amalécites ; les Amalécites, il les rencontre à Réphidim comme vous l’avez entendu. Les Amalécites se sont les descendants du désert ; c’est-à-dire ce fils ainé d’Israël qui n’a pas voulu, pu, assurer le droit d’ainesse et il dit dans les vicissitudes de l’Ecriture que finalement c’est Jacob qui a usurpé le droit d’ainesse parce que lui Jacob savait que le droit d’ainesse nécessitait de transmettre la tradition et que son fils prétendument aimé n’avait pas envie de faire ça.

Les Amalécites réapparaissent dans le désert, par milliers et les attaquent alors là le peuple hébreu est pris de court et pense que c’est la revanche qui vient, se complet dans sa mémoire douloureuse de l’histoire, pense qu’il faut qu’il paie quelque chose.

Il s’enferme dans son histoire ; au lieu de penser que cette histoire entre les deux frères jumeaux Ésaü et Jacob nécessitait l’audace de transmettre la tradition. le découragement, le doute et la peur de transmettre. Voilà les trois crises de la foi pour lesquelles Moïse a sans cesse dû prier pour son peuple. Y a-t-il des remèdes à ces trois crises de la foi ? Il y en a. St Paul dans son épitre à Timothée en a dit au moins trois. En tout cas, j’en vois trois. Vous rentrerez chez vous et peut être vous trouverez d’autres remèdes. Le premier c’est : plonger dans la Parole.  Plonge dans la Parole parce que c’est ton histoire. Ce n’est pas l’histoire d’il y a des milliers d’années c’est l’histoire actuelle de Dieu avec toi ; c’est une histoire du cœur de Dieu avec toi. Plonge dans l’histoire de Dieu pour aller à la source de ton histoire à toi, pour trouver la force pour continuer à vivre et à inventer ton histoire ; pour trouver la force de prier Dieu, Père écrivain de ton histoire. Développe ta confiance en la présence de Dieu pour toi ; laisse les paroles de l’Ecriture devenir tes paroles de prière ; laisse-le, Lui l’Esprit de sainteté prier en toi et puis, regarde autour de toi et transmet ta bonté et ta foi ; édifie une communauté de frères et de sœurs. Tu n’en es pas beaucoup capable, personne ne l’est tout seul mais tu as au fond de toi le désir de cette fraternité qui dit Dieu. Nous avons la chance, frères et sœurs, de célébrer cette Eucharistie au cœur de ce monastère ; d’être portés par les moniales. Elles ne remplacent pas notre prière ; elles ne prient pas à notre place ; elles prient avec nous ; elles nous enseignent pourquoi il faut demander à Dieu la confiance, la parole, la certitude qu’il faut transmettre la foi. Trouvera t’il la foi sur la terre. C’est ce que nous lui demandons : Seigneur, mets en nous la foi en la puissance de ton Fils.

 

29 DIMANCHE 20 OCTOBRE 2019

(Lc 18, 1-8)

 

Frère Bruno CADORE