HOMELIE DU JUBILE D’ARGENT DE SOEUR ANNE-VIOLAINE par le frère Eric de Clermont-Tonnerre, OP

 

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Nous aurions pu nous arrêter à la première lecture, à cet extrait de la Lettre aux Ephésiens, où l’essentiel est dit avec une force incroyable dont il faut que nous mesurions la portée : C’est lui, le Christ qui est notre paix. Il a détruit le mur de la haine. Il  a voulu créer en lui un seul homme nouveau en faisant la paix. En sa personne, il a tué la ha   ine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix.

Et c’est bien pour cela que le Christ a établi l’Eglise pour poursuivre son œuvre de vérité, de réconciliation et de paix. Et c’est pour cela que saint Dominique a établi l’Ordre des Prêcheurs, pour que l’Evangile de la paix continue à être prêché.

Le passage de la Lettre aux Ephésiens que nous avons proclamé à l’instant se termine par ces mots : En Christ, vous êtes les éléments de la même construction pour devenir une demeure de Dieu.

L’Apôtre insiste sur ce mot construction dont nous sommes par le baptême des pierres vivantes : vous n’êtes plus des étrangers, ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les Apôtres et les prophètes et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement.

Et l’évangile exprime les choses un peu autrement : Moi, je suis la vigne et vous, les sarments.

Nous le savons d’expérience, et tu le sais aussi : nos constructions humaines sont fragiles, même les plus belles, même lorsqu’elles ont consacrées à la connaissance et à l’amour de Dieu, à sa louange, à son  enseignement.

Un jour, quelques disciples de Jésus s’approchant de Jérusalem avec leur maître et apercevant au loin l’esplanade et le temple de Jérusalem, disent à Jésus : Maitre, regarde comme c’est beau ! Pour toute réponse Jésus leur dit : il n’en restera pas pierre sur pierre, tout sera détruit. En effet la Lettre aux Ephésiens le dit bien : ce que nous devons  construire, c’est une demeure de Dieu. Non pas un édifice pour enfermer, s’enfermer et garder précieusement pour soi. Mais un espace ouvert : un lieu où vivre, où habiter, où grandir, où mûrir ou mourir avec Dieu, une demeure où Dieu et les autres puissent être à l’aise

Ces demeures sont importantes : lieux de combat et de paix, de paix et de combat pour la paix.

Il y a 25 ans, tu as choisi de devenir une pierre vivante dans la maison de Dominique : une demeure vouée à la Parole de Dieu, au silence indispensable pour lui faire place, à la louange, à l’étude, à la vie fraternelle.

Nous sommes heureux de célébrer cela avec toi. Mais il ne faut pas nous tromper et tromper les autres sur ce que nous célébrons. Nous ne célébrons pas la réussite, le succès. Nous ne célébrons pas les moissons. Nous célébrons les semailles : ce don merveilleux qui nous est fait au cœur du monde et de l’histoire, de l’histoire de notre vie : c’est lui le Christ que nous célébrons, lui qui s’est jeté en terre comme le grain pour porter le fruit de la paix : c’est nous qui, greffés sur lui, sommes jeté enterre aussi pour que notre existence porte, elle aussi, quelques beaux fruits.

Avez-vous remarqué que, pour proclamer notre Credo ensemble notre Credo ne se résume pas  à une liste de vérité et de dogme. Nous croyons en une existence humaine et divine bienfaisante : celle de Jésus Christ ; quelques expressions : Il est né, il a ailé, il a souffert, il est mort, il est vivant » nous rappellent que notre Dieu s’est fait homme. Il a mené une existence d’homme avec tout ce qu’elle implique d’apprentissage nécessaire, d’évènements et de conflits à assumer, de choix à faire, de risques à prendre et le mal et la mort à affronter.

Notre Dieu ne s’est pas protégé, il ne s’est pas dérobé.

Il a habité le monde le mieux possible, lui qui était habité, simplement et pleinement par un amour ineffable qu’il nous a fait partager : l’amour du Père pour ses enfants.

Nous aussi nous sommes invités à habiter ce monde le mieux possible en hommes et femmes dignes de ce nom, libres et responsables.

Nous sommes invités à faire de nos existences personnelles et communautaires une demeure pour que Dieu y habite et pour que la sœur, le frère s’y sente accueilli et soit à l’aise.

Une partie de ton  chemin est déjà fait, sœur Anne-Violaine. 25 ans, c’est déjà une bonne mesure. Nous prions pour que cette mesure soit de plus en plus abondante, débordante et que la joie profonde qui t’habite en ce jour fasse un grand saut en hauteur, en profondeur, en largeur et en longueur.

Greffée sur la vigne véritable, tu ne crains rien.

C’est lui qui t’a choisie et établie pour que tu ailles, que tu portes du fruit et que ton fruit demeure.

Non ce n’est pas juste. Il faut penser et tu le sais et donc vous – toi et tes sœurs, toi et nous :  Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisi et établi afin que vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure.