homélie du 6 janvier par le frère Julien WATO, OP

Croire que Jésus est le Christ, c’est ce vers quoi l’Évangile nous conduit. Il ne suffit pas de contempler un enfant dans la crèche, de s’émerveiller devant lui avec les bergers, de l’adorer avec les mages. Il nous faut faire le saut de la foi : reconnaître en Jésus le Fils bien-aimé du Père en qui il trouve sa joie. Mais pour croire, nous avons besoin de témoins. Or saint Jean, dans sa première lettre, mentionne trois témoins qui attestent que Jésus est le Fils de Dieu. « En effet, dit-il, ils sont trois qui rendent témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois n’en font qu’un » (1Jn 5,7). Les trois témoignages convergent, ce qui atteste de leur vérité au regard des Écritures. Mettons-nous, frères et sœurs, à l’écoute de ces trois témoins afin que notre foi s’affermisse et que notre amour du Christ grandisse. C’est sur ce roc que nous pouvons fonder notre vie.

Le symbolisme de l’eau est très important pour saint Jean. A Cana, l’eau sera changée en vin (Jn 2). Souvenons-nous aussi de la parole de Jésus appelant Nicodème à renaître de l’eau et de l’Esprit (Jn 3). À la Samaritaine, il lui promet l’eau jaillissant en vie éternelle (Jn 4). Dans le Temple, Jésus appelle à lui ceux qui ont soif et il cite une prophétie : de son sein couleront des fleuves d’eau vive (Jn 7). Et Jean interprète ainsi : Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. L’eau, chez saint Jean, est associé à l’Esprit, à une transformation spirituelle, à la vie éternelle. L’eau du baptême, dans laquelle nous mourons au monde avec le Christ, nous fait renaître avec lui pour le Règne de Dieu. Elle nous fait passer à un autre mode d’existence.

Le deuxième témoin, c’est le sang. Sur la croix, du côté transpercé de Jésus, sortiront du sang et de l’eau. L’évangéliste saint Jean est le seul à mentionner ce détail (Jn 19,34). Nous pouvons voir dans ce signe qui conclut la vie terrestre de Jésus un rappel du signe du baptême au Jourdain qui inaugurait sa vie publique. Ces deux signes ont une signification commune : tous deux veulent nous dire que le Fils de Dieu est venu pour les pécheurs. Si Jésus est mort sur la croix, nous savons que ce n’est pas pour ses péchés, mais pour nos péchés. Il en va de même de son Baptême : s’il a voulu être baptisé par Jean-Baptiste, ce n’est pas pour ses péchés, mais pour nos péchés. Jean-Baptiste donnait un baptême de pénitence et il ne comprenait pas que celui qui était sans péché ait pu demander un tel baptême. Mais en le désignant comme l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29), il relie le baptême de Jésus à la croix, la sanctification des eaux baptismales à l’immolation de Celui qui donne sa vie pour nos péchés.

Avec l’eau et le sang, le troisième témoignage est celui de l’Esprit. Au jour de son Baptême, l’Esprit descend sur Jésus, et sur la croix, selon Jean l’évangéliste, Jésus « remit l’Esprit » (Jn 19,30). Ce langage, riche de symboles, nous laisse entendre que par l’eau du Baptême, comme par le sang de la croix, le Fils de Dieu nous a plongés dans l’Esprit Saint par lequel nous devenons fils adoptifs. Non seulement l’Esprit accomplit en nous cette nouvelle naissance, mais il est le « témoin » intérieur qui nous la fait connaître par la foi : « l’Esprit lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu », dit l’apôtre Paul (Rm 8,16). La foi est un don de l’Esprit et plus encore la filiation divine qui est la raison d’être de la foi : « Celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Die »” (1Jn 5,1).

Si l’Esprit, l’eau et le sang témoignent que Jésus est le Fils de Dieu, ils nous associent à la filiation divine de Jésus en nous donnant de pouvoir devenir enfants de Dieu (Jn 1,12). La fête du Baptême du Seigneur est la célébration de notre engendrement dans l’Esprit Saint. À chaque fois que nous nous reconnaissons pécheurs, les sacrements, en particulier ceux du pardon et de l’Eucharistie, nous plongent dans l’eau qui lave, dans le sang qui vivifie, dans l’Esprit qui sanctifie. Nous renaissons pour une vie nouvelle, une vie filiale reliée à notre Père du Ciel. Nous devenons à notre tour des témoins de l’amour fou de Dieu, des témoins appelés par conséquent à témoigner que Dieu nous a donné la vie éternelle et que cette vie est dans son Fils Jésus. Celui qui a le Fils possède la vie (1Jn 5,11-12). Amen !

Frère Julien WATO