Homélie pour le Baptême du Seigneur, frère Jean-Michel MALDAME, op

Baptisé dans l’Esprit

« Tout le peuple était dans l’attente ». Quelle attente, sinon celle de tous les hommes en quête de bonheur ? Du vrai bonheur et pas seulement des petits bonheurs dont nous berce la publicité avec le clinquant des fêtes de fin d’année. Le vrai  bonheur en sa racine : vivre  la pleine mesure de son humanité ! Cette attente était formée par les annonces prophétiques, au premier plan des quelles se trouve Isaïe (42, 1-7).

Voici que vient Jean, le fils du grand-prêtre Zacharie et de sa femme qui le conçut et le mis au monde au temps où le grand âge était venu. Il propose une démarche toute nouvelle ; il invente le baptême ; il devient pour toujours le Baptiste. Nous sommes, hélas, trop familiarisés avec ce mot et nous n’en percevons pas l’extraordinaire nouveauté. Le baptisé est plongé dans les eaux vives du Jourdain. Il exprime le regret de ses fautes. Il prie. Il entre dans l’eau vive. La symbolique du geste le dit : l’immersion est un geste de purification qui atteint l’intime de son cœur dans cet acte de foi en un Dieu qui s’est déjà présenté comme « celui qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive ». Dieu pardonne les fautes de celui ou celle qui le prie avec cœur. Il est radical quand il est vécu dans la foi. Aussi tout le peuple est-il venu recevoir le baptême de Jean. Ce geste est simple ; il est nouveau. Il marque une rupture.

En Israël, depuis les origines, il y a des moyens pour être pardonné : les sacrifices offerts au Temple. On comprend pourquoi les prêtres et les scribes, après avoir examiné la situation qui signe la fin de leur office, se soient offusqués, se soient mis en colère et enfin aient décidé d’éliminer l’initiateur de ce rite de pardon. Ils ont tissé une toile pour le prendre et le mettre en prison. Le récit populaire qui nous parle d’Hérodiade et de sa  belle danseuse de fille n’est qu’un aspect de ce que les historiens nous rapportent : c’est par jalousie que les gardiens du Temple l’ont mis à mort (ils feront de même ensuite pour Jésus).

Jean n’était pas naïf. Il savait que le geste du baptême qu’il faisait n’était qu’un premier pas : un commencement pour une première étape. Pour répondre à l’attente du peuple, il savait qu’il fallait davantage. Quand une vie est cassée par le péché, il ne suffit pas d’effacer. Il faut l’énergie pour vivre ; retrouver la force et la lumière de la vraie vie. Il ne suffit pas d’avoir été acquitté, il faut la force de faire bien. Il faut un surcroît d’être et d’énergie. Comme cela vient là où bien des choses avaient disparu sans retour, il s’agit  d’une création au sens premier du terme : faire à partir de rien. Le mot « création » convient pour dire ce qui est attendu de Dieu, car Dieu seul peut créer. Or qui dit création a dans sa mémoire la première page de la Bible où on lit « Au commencement, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux » – pas de création sans l’action de l’Esprit créateur. Jean le sait. C’est pourquoi il annonce que viendra après lui celui qui baptisera non seulement dans l’eau, mais dans l’Esprit.

L’attente du peuple et alors relancée : le pardon des péchés doit être sui vit d’une nouvelle création. C’est ce que nous rapporte l’évangile de Luc. Selon le récit de Luc, Jean-Baptiste était prison (Lc 3, 19-20). Ce jour-là, Jésus était en prière (Lc 3, 21). Alors les cieux s’ouvrirent et comme au commencement du commencement, l’Esprit de Dieu  vint sur Jésus. Ce n’était pas comme jadis pour Moïse dans la fureur et le fracas ; ce fut comme une colombe qui se pose toute légère, toute lumière, toute tendresse pour un homme en prière. La voix de Dieu se fait alors entendre : Jésus est celui que Jean avait annoncé. Entendons bien ; il est celui qui baptise dans l’Esprit. Il fait plus que laver du péché ; il donne une vie nouvelle. L’Esprit qui se donne au baptême se donne comme lumière, force pour les travaux et les jours.

Tout le peuple était en attente. Jean Baptiste a répondu à cette attente par le pardon des péchés, mais il a approfondi cette attente par celle de l’Esprit Saint, la force et la lumière qui sont Dieu lui-même. Jésus est celui par qui ce nouvel accomplissement commence à advenir.

Attention ! Tout n’est pas acquis. Le don de Dieu est un appel et une force pour que nous vivions ce que nous sommes ce que nous sommes appelés à être : enfant de Dieu. Qui ne sait qu’aimer un enfant c’est lui donner de devenir par lui-même. Ainsi Dieu se donne et en se donnant, il nous rend responsable de nous.  Pour cette raison, la Voix qui se fait entendre donne le secret  de tout ; le mot amour est prononcé. L’amour de Dieu répandu et communiqué dans la relation qui fait de Dieu le Père de celui qui se donne, le Fils de son amour dans l’unité de leur Esprit.

Dax, dimanche 13 janvier 2019

Jean-Michel Maldamé

Is. 40, 1-5. 9-11 ; Tt. 2, 11-14. 3, 4-7 ; Lc. 3, 15-16. 21-22