homélie du 1er dimanche de l’Avent, frère Bruno CADORE, OP

Bienvenue frères et sœurs.

Aujourd’hui nous commençons la nouvelle année. Nous entrons dans ce temps de l’Avent pendant lequel nous préparons la célébration de Noël… mais plus encore pendant lequel nous sommes invités, tous ensemble, chacun, à reconnaître que notre Dieu doit venir. En espagnol, les gens disent : Notre Dieu est ‘pour venir’. Il est pour ‘venir vers nous, ‘pour venir’ avec nous, c’est ce Dieu là que nous aimerions apprendre à accueillir. C’est avec ce Dieu là que nous voudrions apprendre à vivre. C’est de ce Dieu, qui vient, que nous voulons jour après jour,  vivre éveillés, joyeux.

Au seuil de cette Eucharistie, demandons-lui une fois encore la Paix intérieure de sa miséricorde, celle qui nous réconcilie avec lui, qui nous ajuste à lui.

 Frères et sœurs, c’est le moment et ce n’est pas le moment de dormir ! Réveillez-vous, tenez-vous prêts, soyez debout, veillez, attendez. C’est le moment ! C’est le temps de l’Avent ; non pas le temps de la préparation minutieuse d’un évènement bien cadré alors que précisément en ce temps, nous commençons à anticiper ce moment fameux de Noël. Non !  c’est le moment maintenant, c’est le moment de ne pas dormir, de regarder, de veiller, d’être vivant. Dieu est « pour venir » et ce temps de l’Avent nous est donné pour vivre l’avenir de Dieu. Pour exprimer cela, nous avons entendu le prophète Isaïe donne comme figure à cet avenir de Dieu la figure de la paix. Alors, évidemment Isaïe comme le peuple hébreu avec lui et comme nous-mêmes aujourd’hui lorsque nous nous représentons un avenir de paix, nous  le représentons à partir de ce que nous avons comme expérience et le risque est d’imaginer  la paix de l’avenir  de Dieu, exactement au contraire de tous les bouleversements,  toutes les violences et toutes les guerres que nous avons.

Les Hébreux en ont vécus énormément ; que de conflits, que de violences, que de guerres pour conquérir, reconquérir, perdre, reprendre, recommencer ; un peu comme aujourd’hui :    que de conflits, que de guerres, que de polémiques, que de discussions, que de pertes, que de morts, que de morts.  L’avenir  de Dieu dans la paix est en quelque sorte l’envers de cela. Mais si nous regardons de près le texte d’Isaïe, c’est à la fois une paix que l’homme a du mal à imaginer mais bien un temps où il n’y aura plus de conflits, plus ces violences qui nous détruisent, plus toutes ces armes qui s’accumulent comme dit le Pape François et qui font semblant de faire peur alors qu’en fait elles augmentent toute la crainte des uns et des autres et elles détruisent la possible communauté humaine.  Bien sûr l’avenir de paix de Dieu est au contraire de ce que nous exprimons du conflit et de la division mais dans cet avenir de paix, Dieu prend quelques initiatives spécifiques : ’C’est votre paix à vous, – dit-il au peuple hébreu et nous dit-il à nous aussi – mais c’est votre paix à vous pas sans les autres’. Autrement dit, ce temps de paix, ce temps qui vient, cet avenir de Dieu c’est la paix en vous, pour vous, par vous et avec tous. « Toutes les nations montent à la montagne du Seigneur ». Toutes les nations. Pas celles avec qui vous avez fait alliance seulement ; pas celles dont vous avez besoin momentanément pour travailler, pour faire la guerre, pour vous organiser. Non ! Toutes les nations. Tous seront unis avec vous. La paix est la paix de tous ensemble qui montent à la montagne du Seigneur. Première initiative totalement inattendue du Dieu. La deuxième est qu’en montant vous allez découvrir que les sentiers sur lesquels vous montez sont des sentiers sur lesquels vous marchez avec Dieu. Ce sont des sentiers des hommes et ces sentiers des hommes ce sont les sentiers de Dieu ; et sur ces sentiers de Dieu, Dieu vous apprend quelque chose d’extraordinaire à quoi vous ne vous attendiez pas. La paix n’est pas seulement quelque chose que vous attendez, quelque chose que vous rêvez, quelque chose que vous imaginez. La paix est quelque chose que vous pouvez donner. Vous pouvez, chacun dire : « Paix à cette maison ; la paix soit dans tes murs ; la bénédiction soit pour toi. Vous êtes tous, vous tous qui montez à la montagne du Seigneur, tous vous êtes capables de donner paix et bénédiction ». « A cause de mes frères et de mes proches – dit le psaume – je dirai : paix sur toi ».

Quelle belle parole. Marcher avec le Seigneur sur les sentiers de l’homme qui sont et deviennent les sentiers du Seigneur, s’est réaliser cette capacité qui est en nous d’être des femmes et des hommes de paix. Dieu est « pour-venir » et l’homme est pour la paix.

Puis, pour que cette proclamation d’un homme pour la paix ne soit pas seulement de vains mots, Isaïe donne quelques images : oui ! Ils feront des socs et des charrues ; oui ! Ils feront des instruments pour cultiver et pas pour détruire ; Oui ! Ils vont renverser la logique et ils sont capables de le faire. Un jour, Paul VI disait – c’était au temps de la guerre froide – ‘la guerre froide consiste à renforcer tous les canons qui se font face et se menacent les uns les autres. Et si au lieu de cette logique, on se disait : cessons de regarder ceux qui nous menacent avec des canons plus forts que nous, histoire de bâtir des canons plus forts que les leurs, et si nous laissions les canons pour tourner notre regard vers les peuples dont nous nous occupons pas, qui ne sont pas dans les camps ni de l’est ni de l’ouest, juste pour donner la paix à ceux qui n’ont pas encore la vie. Voilà l’annonce de l’avenir de Dieu, du prophète. Fort de cette annonce et de cet enthousiasme d’un avenir en Dieu, l’Ordre des Prêcheurs depuis quelques années propose, que chaque année au temps de l’Avent, le temps de l’Avent soit le temps de la proclamation du Prince de la Paix ; l’Ordre propose chaque année que l’Avent soit consacré à la paix ; à découvrir à quel point c’est une capacité de ce temps. Cette année, ce mois de la paix sera centré, comme c’est le cas chaque fois, sur un pays particulier et il sera centré sur l’Inde ; sur ce que les sœurs et les frères dominicains en Inde réalisent particulièrement avec les jeunes parce que si la paix est l’avenir du monde, les jeunes sont son présent. En particulier, les sœurs et les frères travaillent avec des enfants qui sont abandonnés dans les rues par milliers, qui vivent sous les ponts toute leur vie et qui développent évidemment la violence qu’il faut pour pouvoir survivre. Un jour, à Nagpur, je rencontrai une de ces petites communautés d’enfants accueillis par des frères, sortis du pont pour reprendre la vie normale d’un enfant : être aimé, consolé, éduqué, guidé, poussé, promu ; et en les écoutant et en les rencontrant, l’un d’entre eux, peut-être le plus aimés, en tout cas, une tête forte, me racontait sa vie et sa journée et me disait : ‘Moi, tous les après-midi, je viens du pont – me dit-il – et tous les après-midi je retourne là-bas’.

Et j’étais un peu inquiet en entendant cela craignant toujours, vous savez, quand quelqu’un sort de la misère qu’il ne prenne pas tous les moyens pour y retomber. Je lui dis : ‘Pourquoi tu retournes là-bas ?’.

Il me dit : ‘Tu sais quand tu vas là-bas, tu vois plein d’enfants comme j’étais ; partout, ils cherchent comment vivre ; ils n’y arrivent pas ; ils se bagarrent. Et puis, tu es là, tu les rencontres et puis de temps en temps, tu t’en fais des amis et puis quand ils deviennent tes amis, tu peux leur dire : ‘Mais pourquoi tu restes sous le pont ? Pourquoi ne pas venir avec moi au foyer, là où j’ai été’. Il me dit : ‘Regarde celui-là et celui-là et celui-là, sont devenus mes amis sous le pont. C’est comme ça qu’ils sont venus’. Peut-être vous vous dites en m’écoutant cela : ‘Bon c’est un bel exemple mais c’est tellement petit, un petit bonhomme là-bas en Inde, perdu à Nagpur au milieu de millions et de millions de gens. Est-ce-que cela peut apporter quelque chose à ce projet de paix ?’. C’est précisément le mystère que nous nous préparons à célébrer. Oui ! Cela apporte quelque chose ; c’est que quelqu’un, l’un d’entre nous, l’une d’entre nous, décide de laisser sa vie s’enflammer du désir de l’amitié pour la paix. Dès que quelqu’un fait cela dans son monde, le monde change, le monde s’illumine, les ténèbres s’éloignent, la lumière apparait. Ainsi lorsque Paul dit : ‘Revêtez-vous du Christ ‘, ce n’est pas une formule ; ça n’est pas inatteignable, c’est tout simplement ça : revêtez-vous de l’amitié du Christ pour ce monde. Cette amitié fait la paix. Alors, comment faire ça ? Eh bien ! nous dit le même apôtre Paul, d’abord il faut vous réveiller ; en tout cas, il ne faut pas vous endormir ! Il faut oser vivre, ce dont vous êtes capable ; vivez cette capacité de paix ; c’est cela que l’apôtre nous dit. Vivez cela parce que vient le Seigneur ; et c’est ce que nous dit Jésus dans l’évangile là encore. Mais s’il ne nous demande pas de veiller par crainte d’être surpris, par crainte d’être parmi les mauvais, parmi les oubliés, il ne nous demande pas de rester éveiller éviter d’être perdus comme au temps du déluge, il nous demande de rester éveillés pour être éveillés à notre propre propos et voir en nous ce que Dieu a vu en Noé. Il vit que Noé était juste alors il lui demanda de rassembler avec lui ce qu’il pouvait de l’humanité et de la mettre à l’abri dans ce qui était l’arche et cette arche devint l’arche d’alliance. Eveillez-vous, ne dormez pas parce qu’il y a un monde fou, une foule de petits Noé.

Ils sont jugés justes par Dieu et appelés par Lui. Il ne s’agit pas d’être éveillés pour ne pas rater le moment, il s’agit d’être éveillés pour accueillir en justes le deuxième avènement du Fils de l’Homme. Nous célébrerons le premier en la fête de la Nativité et animés par cette célébration, nous vivrons notre vie pour attendre le second et le second ne sera pas pareil au premier ; c’est aussi le Christ qui viendra, c’est aussi le Fils de l’Homme qui viendra sur la nuée et le Fils de l’Homme, tête du corps et Il viendra pour prendre avec Lui son Corps pour rassembler en Lui son Corps : vous, moi, pour constituer le Christ total. C’est pour cela qu’il nous faut rester éveillés pour éclater de joie lorsqu’Il nous dira : ‘Maintenant faisons corps en Dieu’.

HOMELIE DU 1ER DIMANCHE DE L’AVENT

ANNEE A

Frère Bruno CADORE

Is. 2 ? 1-5   Rm 13, 11-14a    Mt 24, 37-44