homélie du 20e dimanche du TO, année A, frère Jean GIANG, op

Entrant dans une nouvelle semaine, rendons grâce à Dieu pour tous les bienfaits qu’il nous a accordés pendant ces derniers temps. Demandons-lui encore humblement sa bienveillance sur notre vie pour le temps qui vient. Que sa présence nous renforce et nous accompagne dans notre traversée des difficultés présentes. Et surtout maintenant implorons sa miséricorde sur nos prières dans lesquelles nous lui présentons nos proches ainsi que ceux qui sont dans l’épreuve.

J’avoue que chaque fois que je lis ce passage, je suis touché par la fin heureuse. La femme a obtenu ce qu’elle voulait. Mais il me semble que ce passage est encore plus riche dans les détails. Je voudrais le partager avec vous aux deux niveaux, d’abord du récit lui-même et puis du point de vue théologique.

Du récit, on apprend de l’exemple de la femme cananéenne l’attitude nécessaire de celui qui, en demandant la miséricorde du Seigneur, ose croire en cette miséricorde. Nous voyons en effet que la conversation entre Jésus et cette femme est poussée jusqu’à l’impasse. Jésus d’abord ne lui répond pas quand la femme le “poursuit de ses cris”. Mais une fois qu’il lui a répondu, il dit ne pas avoir de mission envers les païens, et sa parole résolue consiste dans la distinction entre les enfants et les chiens. Saint Jean Chrysostome commente cette parole dure de Jésus ainsi : “Plus cette femme fait d’instances pour le prier, plus il est ferme dans son refus. Il n’appelle plus les Juifs des « brebis, » mais des « enfants, » et il appelle au contraire celle qui le prie : « un chien ».”

Alors, que signifie une telle attitude blessante de Jésus ? « C’était certainement pour donner lieu à une foi si humble et si vive que Jésus-Christ avait rebuté cette femme jusqu’alors – remarque saint Jean Chrysostome. Comme il prévoyait ce qu’elle allait lui dire, il rejetait ses prières, et demeurait sourd à ses demandes pour faire connaître à tout le monde jusqu’où allait sa foi et l’excellence de sa vertu ».

Enfin, « Toutes ces paroles rebutantes qu’il lui disait ne venaient d’aucunX mépris pour elle, mais du désir de l’exercer et de découvrir à tout le monde le trésor inestimable qui était caché dans son coeur », conclut saint Jean Chrysostome.

Oui, le trésor caché dans le coeur de cette femme, de cette mère qui souffre à la place de sa fille tourmentée est la foi en la miséricorde de celui en qui qu’elle croit malgré la mise en épreuve :  « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Combien d’entre nous, devant une telle épreuve, après avoir beaucoup prié, mais ne sont pas encore exaucés, peuvent être persévérants jusqu’au bout pour toujours dire comme cette dame : “Prends pitié de moi, Seigneur ! Seigneur, viens à mon secours !”

Plus qu’une fin heureuse qu’elle attend, Jésus affirme: « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Désormais, rien n’est plus grand que la foi. C’est par cette foi qu’aucune frontière, quelle que soit la race ou la nation, qui que ce soit, celui qui a cru ou qui vient de trouver la foi, ne devient obstacle pour l’accès au salut proposé à tous.

C’est aussi de cette foi que nous devons tirer les conséquences théologiques.

Ce n’est pas sans raison que les paroles si dures et si partiales ont été mises dans la bouche de Jésus. Il y a en effet une tendance chez les premiers chrétiens de ne pas penser que la mission de Jésus est universelle, mais plutôt qu’elle se limite au le peuple choisi. Le salut promis doit venir d’abord chez ce peuple et, depuis de ce peuple, à toutes les nations. Or, l’autre point de vue voit plutôt dans les paroles et les actes de Jésus l’arrivée du salut à tous les peuples. Ce passage de l’évangile aujourd’hui est la composition de ces deux tendances. Et le récit que Matthieu nous raconte montre ainsi son désir de l’accès des païens au salut. Cet accès n’est plus un privilège, mais égal pour tous. Tous possèdent la même chance pour dire au Seigneur : Prends pitié de moi!

Frères et soeurs dans la foi, gardons notre foi, et si quelqu’un d’entre nous se trouve dans une situation qui nous pousse à dire : Seigneur tu m’entends ma prière et tu vois ma misère ! Soyons rassurés comme cette femme cananéenne par cette parole : “grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux !” Amen.

20e dimanche du temps ordinaire

Frère Jean GIANG

Is 56,1.6-7 ; Rm 11,13-15.29-32 ; Mt 15,21-28