homélie vigiles de Noël, frère David Perrin, op

 

Frère David Perrin, OP, couvent de Bordeaux

Voici le signe qui nous est donné ! – Lc 2, 12

 

« Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Drôle de signe, vous ne trouvez pas ? On aurait pu s’attendre à quelque chose d’un petit plus explicite pour reconnaître ce nouveau-né parmi tous ceux qui se trouvent à Bethléem, surtout en ce temps d’affluence.

On aurait pu imaginer, par exemple, une lumière qui aurait irradié du lieu où se trouvait l’enfant, des voix célestes qui auraient conduit les bergers jusqu’à l’étable ou bien encore un ange, tout simplement, qui aurait fait la garde devant la maison. Mais le Seigneur n’a rien choisi de tout cela :  « Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Le fait d’être emmailloté n’est pas d’un grand secours pour le reconnaître ! Car tous les enfants sont enveloppés de langes à leur naissance. La seule chose qui pouvait distinguer ce nouveau-né des autres, c’est qu’il était « couché dans une mangeoire ».

Voilà, pour le coup, quelque chose d’étonnant, d’anormal même ! Quel père, quelle mère oseraient placer leur nourrisson dans une mangeoire : une auge où mangent les bêtes ? Il y a là quelque chose de choquant, d’autant plus indigne que cet enfant est roi, que cet enfant est Dieu ! Quelle idée est donc passée par la tête de Marie ? Une idée qui a tous les traits de la folie ou plutôt de la Sagesse de Dieu car cette mangeoire, si humble, est le plus sublime des signes, et, en vérité, le lieu le plus approprié. Cette mangeoire dit que l’enfant qui y est couché est le Pain de vie descendu du ciel, la manne tombée sur l’humanité qui, depuis le péché originel, erre, affamée, dans le désert. Cet exode ne pouvait s’achever qu’à la venue du seul et véritable Josué : Jésus.

Si Jésus est le pain de Vie descendu du ciel, nous sommes, nous, ces bêtes de somme, qui peinons et ployons sous le fardeau et qui venons continuellement manger à la mangeoire de l’Église. Celui auquel nous allons communier est le même qui, il y a deux mille ans, fut couché dans la mangeoire. À cette différence près, qu’il est couché, ce soir, sur un patène d’or, et qu’il a l’apparence du pain. Mais la patène n’est-elle pas, à sa manière, une mangeoire ? Le mot dérive du grec « pateomai » qui veut dire « manger ». C’est à partir de ce verbe qu’a été formé le nom « phatné » qui signifie « mangeoire ». « Mangeoire » et « patène » ont la même racine si bien que sont, en réalité, une seule et même chose. Le Christ est livré pour nous, aujourd’hui, dans cette patène qui, hier, était une mangeoire.

Confesser la divinité de l’enfant couché dans la mangeoire  à Bethléem, c’est confesser le Christ présent pour vous, sous l’apparence du pain, couché sur la patène, élevé sous vos yeux et donné à manger. Le mystère de la Cène, est inclus dans le mystère de Noël, signifié par lui. Noël est une eucharistie ! L’action de grâce de tous les hommes pour ce Dieu qui est né, il y a deux mille ans, à Bethléem­ — « la maison du pain » ­— et qui se destine, ce soir, à être mangé, pour notre salut.

Jeudi 24 décembre  – Messe de la Nuit

 

Fr. David Perrin o.p.