Homélie pour le Vendredi Saint, frère François-Régis DELCOURT, OP

               Joseph d’Arimathie, avec l’accord de Pilate, dépose le corps de Jésus dans le tombeau qu’il venait de se faire creuser. Restons assis un moment auprès de la sépulture. Jésus y est. Son corps est allongé et sans vie. Toute mort est brutale. Celle de Jésus l’est d’autant plus de par son contexte.

Elle cause un profond sentiment d’impuissance. Une révolte intérieure envahit nos âmes déjà si blessées. La raison s’indigne de toute cette violence qui exprimait tant de haine à l’égard de Jésus. Ce qui était frappant était de constater le silence de Jésus comme seules réponses aux questions qui lui étaient adressées. Il aurait pu se défendre, argumenter. Les reproches sans fondement n’avaient aucune prise sur lui. Le monde pouvait s’écrouler sur ses épaules. Rien ne pouvait enfreindre sa sérénité. L’amour lui a permis de tout porter. Un désir animait sa volonté, celui d’aller jusqu’au bout, sans récriminer contre son Père, sans se défaire de l’Esprit-Saint. La vive conscience de ce qu’il accomplissait lui a rendu capable de rester debout et d’achever cette épreuve. Son amour miséricordieux a vaincu l’injustice. Et du haut de la croix, le cri adressé à son Père, Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font, en est la plus belle preuve.

La vue du tombeau scellé nous entraine à considérer la réalité objective de la mort de Jésus. Son corps est là, sans vie, enfermé. Il ne sert à rien de s’en vouloir et de culpabiliser d’avoir peut-être manqué de vigilance. Il ne sert à rien de vouloir tout comprendre. Le temps des réponses n’est pas encore venu. La seule chose qui compte en ce moment est d’accepter la seule vérité qui soit : Jésus est mort. Jésus est allongé et inerte dans le tombeau. La seule chose qui compte en ce moment est d’assumer. Et pour ce faire, déposons, auprès de Jésus, toutes nos interrogations, toutes nos fragilités, toutes nos vulnérabilités. Mettons-nous à nu et prenons place à ses côtés, lui qui s’est donné inconditionnellement.

Faisons l’expérience des conséquences de sa mort. Sa présence n’est plus qu’un souvenir. Il s’en est allé. Notre vie est marquée par son absence. Quel sens la vie peut-elle avoir si Dieu ne vit plus, s’il n’est plus, s’il n’agit plus, s’il n’existe plus ? Que puis-je assurer sans lui ? Est-il possible d’imaginer et d’envisager une vie sans Dieu ? Prendre conscience de la mort de Dieu revient à faire l’expérience d’une vie marquée par le néant, la douleur et l’angoisse. Sans toi, Seigneur, je ne suis rien.

Vendredi saint 3 avril 2021 

Mourir à soi-même

Frère François-Régis DELCOURT

Passion selon saint Jean