homélie du 23 février (st Polycarpe), frère Bruno CADORE, op

 

Lorsqu’un disciple des douze, Jean, et peut-être nous-mêmes, se manifeste, tenté par deux écueils, deux tentations du chrétien, du croyant, il rencontre deux écueils.

La tentation de l’exclusivité et la tentation de l’identité.

L’exclusivité d’abord. Il semble que Jean et les douze, en tout cas, Jean dit : « Si nous sommes à toi, il nous appartient de gérer les affaires en ton nom. Si c’est avec toi que nous apprenons le bien, ça nous appartient de manifester le bien et à nous seulement. C’est notre foi, notre prérogative, c’est la reconnaissance que nous attendons. C’est ce que nous pouvons exiger que les autres reconnaissent de nous. Si cette exclusivité nous est reconnue, c’est bien nous qui sommes près de toi, c’est nous qui vivons près de toi, qui partageons du temps, c’est nous  qui t’écoutons, c’est nous qui prenons de la peine pour aller sur les chemins de Galilée.

Bref, l’exclusivité. Vous savez, dans l’église il y a beaucoup de petits cercles exclusifs, tel grand (ou petit d’ailleurs…) maître spirituel, tel grand théologien, tel tenant de telle ou telle liturgie, … L’exclusivité : si nous faisons cela, c’est à nous que cela appartient. L’exclusivité vécue dans beaucoup de lieux et dans bien des domaines dans l’église, c’est quelque chose qui serait résumable, de très humain, de mondain.  A savoir : la compétitivité, la comparaison, la concurrence. Et on en voit des concurrences dans l’église : concurrences éducatives, concurrences sanitaires, concurrences catéchétiques… bref, c’est nous qui savons faire et c’est nous que Dieu a reconnu pour faire cela.  C’est à nous que ça appartient.

Et puis, la deuxième tentation, c’est l’identité. C’est à dire que c’est nous qui sommes croyants, qui avons découvert qui était Jésus. C’est nous qui savons ce qu’il a enseigné, donc c’est nous qui allons décider des limites du cercle de notre vie, les limites du cercle de nos amis comme si, parce que nous sommes amis de Jésus, nous serions capables de  dire : ceux-ci sont ses amis, ceux-ci ne le sont pas.

Jésus, dans ce bref passage de l’évangile nous remet les idées en place. L’identité des amis de Jésus va précisément tenir à la non-exclusivité et plus vous accepterez de ne pas être exclusifs dans le bien faire, dans le bien vivre, dans le bien penser, dans le bien croire, plus vous vous ouvrirez à l’irruption de la foi chez d’autres que vous, plus votre foi et votre espérance vont grandir. Le théologien Déchet disait : « au fond, la croissance de la foi et de l’espérance dépend du bonheur de s’exposer à la « paganité »,  au bonheur de s’exposer à ceux qui ne croient pas comme eux, qui ne sont pas comme eux, qui ne vivent pas comme eux, qui ne suivent pas les mêmes rites. Bref,  soyez ouverts au fait que Dieu peut tracer son chemin chez d’autres  que nous, que  n’avons pas choisis, mais que Lui a choisis.

Précisément, voici le deuxième enseignement : L’identité vient de la non-exclusivité et la seule exclusivité est l’initiative de Dieu, l’initiative de Dieu pour l’homme, l’initiative de Dieu qui  crée tout homme et tous les hommes dans sa bonté à Lui. Il leur donne une nature capable, potentiellement capable de s’ajuster à Lui.

Alors voilà que nous appartenons au groupe des amis de Jésus à deux conditions : ne pas être exclusifs et ne pas être identitaires.

Drôle d’enseignement pour les contemporains où, précisément, on vise dans la vie sociale à reconnaître ses amis et à les compter sur tel ou tel réseau sur lesquels nous naviguons. Et nous croyons que cette identité peut exclure pour pouvoir être plus forte.

L’enseignement de Jésus, c’est que l’identité forte est exclusive, alors que celle de sa propre vie donnée pour nous, en nous, est sans exclusivité, sans préférence, sans limite et surtout sans mesure. Oui, qu’il croit, qu’il vive, qu’il guérisse, qu’il donne la joie et la paix à travers nous.

Mercredi 23 février 2022 – Saint Polycarpe

7ème semaine per annum.

Frère Bruno CADORE

Jc. 4, 13-17 ; Mc. 4, 5, 1-8