homélie du 18e dimanche du TO, frère Benoît VANDEPUTTE, op

Après quoi courons-nous ?

Vanité, tout est vanité

 

Il y a un piège dans les lectures de ce dimanche, dans lequel il ne faut pas tomber.

En effet, à première vue, nous pourrions penser que la Parole de Dieu veut nous mettre en  garde contre l’argent, contre la richesse, contre les biens.

Or nous savons, parce que nous sommes des êtres de chair et de sang qu’il est nécessaire de nous nourrir, d’avoir un toit, de veiller à notre santé et d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont chers ou qui nous sont confiés.

C’est même la première chose que vous apprenez quand vous avez la charge d’éducateur : veillez à vous assurer que les besoins fondamentaux de la vie humaine sont honorés, cela porte même un nom savant : la pyramide de Maslow, du nom de son auteur : un psychologue juif américain d’origine ukrainienne.

Il hiérarchise les besoins humains avec, en bas les besoins physiologiques et en haut l’estime de soi, la créativité, le respect  des autres, l’absence de préjugés.

Entre les deux, la sécurité puis l’amitié, la famille.

Inutile d’espérer éduquer aux valeurs les plus hautes si vous n’assurez pas d’abord les besoins fondamentaux : l’accès à la nourriture, à l’eau, un toit…

Dans l’évangile, Jésus nous encourage d’ailleurs de nous faire des amis avec l’argent trompeur. Et il nous laisse ici un indice sur la valeur réelle de l’argent.

Enfin, dans la Bible, plus largement, la richesse est une bénédiction de Dieu.

Job en offre le meilleur exemple : après les années terribles qu’il subit, il est rétablit dans son opulence. Pour comprendre le piège, il suffit de nous rappeler cette Parole de Jésus : l’argent est trompeur autant qu’il est utile.

Autrement dit, ce dimanche, nous sommes invités à nous poser la vraie question. En réalité, il y en a deux ou trois. Qui est le maître, de l’argent ou de moi ? Après quoi courons-nous ? Sommes-nous prêts ?

Pour savoir qui est le maître, souvenons-nous de ce passage du psaume : (ps. 61) Si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur. Un conseil – si l’on peut dire- pour Molière et son Harpagon qui préfère sa cassette à ses enfants…Et la peur de la perte le mène à l’absurdité et à la solitude la plus terrible.

Donner est un mot pour lequel il a tant d’aversion qu’il ne dit jamais : je vous donne mais, je vous prête le bonjour.

A la question de savoir après qui nous courons, Paul nous nous éclaire avec son mot aux Colossiens : Recherchez les réalités d’en-haut ! Car pour l’homme de foi, les hauteurs et le Ciel sont une réalité et pas une fable.

Il parle après Jésus de l’argent de Matthieu, juste après le jeûne qui ne doit pas se voir en face de carême : Faites-vous des trésors dans le Ciel, là où il n’y a ni mites ni vers qui dévorent et pas de voleurs qui percent les murs pour voler car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Mt. 6, 20-21.

Sommes-nous prêts ? Qoelet et Luc viennent ici percuter nos certitudes. Quohelet et son image : Havel havelim, Vanité des vanités.

Au cas où nous serons tentés de désespérer, le poète nous requinque : Dieu peut tout changer aujourd’hui et le premier jour du reste de taire.

En fait, la parole de Dieu nous invite à relativiser et à être lucides sur nous-mêmes, la rage que nous mettons parfois à tout mettre en œuvre pour « réussir » comme on dit, au regard du dernier jour du reste de notre vie et du dernier jour tout court.

Non pas qu’il ne faille réussir sa vie – en tout cas la rater- car c’est possible- n’est pas le bon terme.

Retour ici à la pyramide de Maslow et à l’idée de justice qui la sous-tend.

Reste qu’il faut nous poser les bonnes questions, chemin faisant :

* Qui est le Maître ?

* Après quoi courons-nous ?

* Sommes-nous prêts ?

Pour terminer, j’aimerais évoquer avec vous le baptême de Clovis.

En 1996, Jean-Paul II vint en France, à Reims notamment.

Mais qu’allait-il célébrer là : le baptême de la France ou le baptême de Clovis. Les polémiques, et on sait bien lesquelles, allèrent bon train.

A cette personne qui l’apostrophait avec violence à propos de ce que la République faisait ou ne faisait pas en cette occasion, un frère lui répondit :

Si nous sommes heureux comme Dieu en France (c’est un proverbe allemand), notre patrie, elle est au Ciel.

J’aime beaucoup cette réponse !

Dimanche 31 juillet 2022

18ème du temps per annum (St Ignace de Loyola)

Frère Benoit VANDEPUTTE, op

Qo. 1,  2. 2, 21-23 ; Col. 3, 1-5. 9-11 ; Lc. 12, 13-21