solennité de st Dominique, homélie par le frère Benoît Van de Putte

Solennité de la saint Dominique (Mt 5, 13-1)

 

Notre passage de l’Évangile de Matthieu fait immédiatement suite, dans le Sermon sur la montagne, à la proclamation des Béatitudes par Jésus.

 

Les philosophes des lumières, surtout chez les Français ou les Américains, proclamaient le droit au bonheur pour l’homme – un droit inscrit dans la Constitution des États-Unis-.

Jésus, lui, nous propose la lumière de la vision réalisée, accomplie, de la divinité. Il s’agira pour nous d’une quête également, comme le droit au bonheur, mais la quête d’un acte final de la vie et pas la poursuite d’une notion abstraite.

En effet, qu’est-ce que le bonheur ?

 

L’anaphore matthéenne – Heureux ! Heureux ! Heureux ! -, rend bien mal compte du texte, des mots prononcés par Jésus.

Il est permis de préférer ici la Vulgate de saint Jérôme : – Beati ! Beati ! Beati ! – : Bienheureux !

Saint Thomas ne nous l’a-t-il pas rappelé ? Le but de notre vie chrétienne demeure la vision béatifique de Dieu. Ou, pour le dire autrement avec ce jeune scout il n’y a pas si longtemps, lors d’un échange entre nous :

  • Dieu ? Ça n’est intéressant que si on peut le voir ».

Bien vu, jeune homme !

 

Il ne faudrait pas pour autant imaginer que le Seigneur renvoie l’accomplissement des promesses de Dieu après la mort…

Ce qu’un vieux professeur de philo, ironique mais bienveillant, raillait en plaisantant sur notre « assurance de l’appartement chauffé…plus tard ».

 

Ce qui nous assure de l’actualité de la promesse de Jésus-Christ tient en un mot : Incarnation

Celle-ci est servie de deux manières dans l’Évangile de la fête de saint Dominique.

Pour qui vit en Terre sainte, la scène est lumineuse : comme un soleil d’été sur la Chalosse, comme un paysage de Toscane au soir tombant, comme un petit matin sur les bords de la mer de Galilée où nous sommes avec Jésus.

Le lac ! On dit : « Sermon sur la montagne »… Il faudrait bien plutôt dire : « Sermon sur le lac ». Il est facile d’imaginer que ce sont les gens sur les bords du lac qui sont assis pour écouter. Jésus, lui, est sans doute sur une barque pour que tous le voient.

 

La mer de Galilée est d’eau douce, mais à Capharnaüm, ville de pécheurs, on connait le sel car il faut bien conserver le poisson péché. Jésus prend cet exemple dans la vie des Galiléens pour se faire comprendre. Il fait aussi un exemple de ce que ses auditeurs voient derrière Lui sur le plateau du Golan.

« Je vous ai livré les secrets du Royaume » dit Jésus. « Il est aussi sûr que cette ville dont vous voyez les lumières derrière moi ». Non pas Tibériade qui n’existait pas encore mais Hippos -Suscita de nos jours-, la ville des chevaux. C’est aujourd’hui un magnifique champ archéologique qui fut jadis un grand évêché avant d’être détruite, comme d’autres villes, par un tremblement de terre en 749 de notre ère.

Impossible de ne pas voir cette cité juchée sur son piton rocheux. « Cette ville, vous ne pouvez pas ne pas la voir dit Jésus, et votre vocation -car c’en est une-, est d’être vus, lumineux, et d’éclairer, de donner sa saveur à la vie que je vous offre ». La voilà la recette du bonheur dans la cuisine du Bon Dieu. Une vie qui mène à la Béatitude dans la vision de Dieu et à la joie par l’incarnation de la charité, reflet de son amour.

 

Telle est la vocation de l’homme et de la femme. Comme pour toute vocation, il y a toujours un risque, bien sûr : la charité pervertie fait s’embourber, dérailler ou égare, pire, égare les autres…

 

Pourquoi Jésus nous dit-il que rien ne changera dans les Dix commandements, dans la Loi qu’il remplace, ou plutôt prolonge par les Béatitudes ?

 

Parce que, Première ou Nouvelle alliance, le but reste le même : rendre gloire à Dieu « qui est aux cieux ». Que je sois libéré d’Égypte ou de mes péchés, le terme est inchangé : louer le Seigneur en servant mes frères…

 

Parfois, Dieu nous fait la grâce de mourir au bon moment.

Pensons à Odon Casel, ce grand bénédictin liturgiste qui expira en chantant le grand Alléluia pascal.

Je pense aussi à fr. Pierre Colombier, ancien syndic provincial, qui mourut un matin, j’y étais, en chantant le Benedictus.

Pensons enfin à notre cher fr. Clément Humbrecht qui venait de trier les lavandes à Grignan chez les sœurs et qui regardait, le soir, au loin depuis sa fenêtre :

  • « Que fais-tu Pierre ?
  • Je contemple… ».

Et le Seigneur vint le chercher le lendemain matin…

Saint Dominique, lui, est mort le jour de la Transfiguration. La fête du 8 août n’est qu’un accommodement de calendrier liturgique.

Quel beau cadeau le Seigneur fit-Il ainsi à notre Père ! Et à nous par-delà les siècles. Nous sommes faits pour la joie du service et la glorification de notre Seigneur. Et, comme Jésus transfiguré, pour refléter quelque chose de la Gloire d’en haut. Et pour nous effacer.

Notre Père saint Dominique : priez pour nous !