Assomption de la Vierge Marie, homélie du Frère Dominik JARCZEWSKI, op

On m’a enseigné un principe — et je dois dire que j’essaie de tenir à ce principe — qu’une bonne homélie ne devrait jamais être trop personnelle. Pas trop de confessions, sinon le sermon perd sa portée objective. Permettez-moi quand même à titre d’exception d’être un peu plus personnel aujourd’hui. Car, c’est une date très significative pour moi : il y a 15 ans j’ai donné ma profession simple à l’ordre de prêcher. Pas beaucoup si j’ose le dire devant tant de sœurs remarquables de vie religieuse beaucoup plus longue que la mienne. Mais quand même. Chacun a ses petits anniversaires. Pour cette raison biographique, je ne sais lire la solennité d’aujourd’hui que dans le contexte de ma profession religieuse. En voyant depuis, dans la Vierge Marie, ma sœur, ma guide et ma mère. Et — j’en suis sûr — elle est aussi la sœur, la guide et la mère de tous les croyants.

Premièrement, la sœur. Parce qu’elle partage la même nature avec nous. Alors, la même vie humaine avec toutes ses joies et toutes ses tristesses, avec les moments du bonheur et de la douleur. La vie de Nazareth, Bethléem, Cana, mais aussi du Golgotha. Elle sait compatir avec nous. Elle partage aussi la même fois, la même espérance et elle est bénéficiaire du même amour divin de notre Père qui nous a créés et nous a sauvés par amour et d’amour. La sœur dans la vie, elle est aussi la sœur dans ce mystère effrayant, couvert de ténèbres d’inconnu qui est la mort. Les théologiens, laissons à eux les discussions entre ces deux perspectives du passage de la Vierge à gloire céleste : Occidentale, de la mort, et Orientale de la dormition. L’essentiel c’est la même route, le même passage entre la réalité terrestre — bien connue — et l’au-delà où Dieu nous a préparé la maison éternelle. La maison que nous désirons tant, mais qui peut aussi provoquer des questions, des doutes, de l’incertitude. Dans Marie, nous trouvons alors une compagne en tout ce qui est humain. Jusqu’à la mort.

Marie notre sœur est aussi notre guide. Première dans l’ordre de la grâce, elle est première dans l’ordre du salut. Première à passer la porte de la mort, elle demeure dans les cieux pour nous assurer que Dieu ne nous abandonne pas. Que notre vie n’est pas limitée à la terre. Celle qui a reçu la Parole, celle qui contemplait et digérait la parole de Dieu — une vraie patronne des dominicains, elle nous montre le chemin que nous ne connaissons pas. Et c’est justement cette approche contemplative qu’elle nous offre comme feuille de route pour toutes nos questions, pour surmonter nos incertitudes en ce qui concerne la terre et les cieux. Enfin, c’était toujours une chance dans les examens de n’être ni le premier ni le second, mais d’avoir au moins deux personnes devant nous pour nous assurer que les questions ne sont pas si difficiles que l’on croyait et que le professeur est de bonne humeur. Avec Jésus et Marie qui nous précèdent dans l’ordre de la résurrection, notre examen du passage n’est pas si effrayant comme on puisse penser.

Et finalement la mère. Dans l’iconographie chrétienne, il y a une image que j’aime beaucoup. L’image liée aussi à l’histoire et à la spiritualité dominicaine. Je pense à l’image du manteau de Marie. Un apophtegme sur saint Dominique raconte une histoire de son songe où il a été transporté aux cieux. Il regardait et il a vu beaucoup de moines et de moniales, mais il ne pouvait pas trouver ses frères et ses sœurs dominicaines. Triste, il s’est dirigé vers la Vierge Marie. Pourquoi es-tu triste, Dominique ? – Parce qu’il n’y a pas mes frères et mes sœurs. Tout a été pour rien. Et voici, en ce moment, Marie a levé son manteau en lui indiquant la foule innombrable de sœurs et de frères dominicains. Bien sûr, les dominicains ne sont pas trop originaux. Des histoires pareilles, on les trouverait chez d’autres familles religieuses. Finalement, cette histoire et cette image se réfèrent à la prière la plus ancienne à la Sainte Vierge : sous l’abri de ta miséricorde. Au risque d’être sentimental, je dois vous confesser que c’est justement l’image des cieux, l’image de l’au-delà qui m’accompagne depuis 15 ans. Le manteau de Marie où je trouve toute ma famille dominicaine : mes sœurs et mes frères. Le manteau où il y a assez de place pour toute la famille humaine. Le manteau qui n’exclut personne. Où je trouve chaque personne que j’ai aimée. Car, chez la mère, il y a toujours assez de place, assez de la chaleur, du soin. Dans la fête d’aujourd’hui, Marie n’est pas seulement notre sœur, notre guide, mais aussi la mère qui nous accueille dans les cieux.

 

Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions,

Sainte Mère de Dieu.

Ne méprise pas nos prières

quand nous sommes dans l’épreuve,

mais de tous les dangers,

délivre-nous toujours,

Vierge glorieuse et bénie.